1914 -1918

 

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1914

A la veille de la guerre 14, Chartainvilliers, dont le lent déclin démographique est amorcé depuis un siècle, compte 306 habitants. Il n’en sera dénombré que 264 au recensement de 1921. Entre temps, la Grande faucheuse aura fait son oeuvre et 24 hommes verront leur nom inscrit sur le monument aux morts du village inauguré en 1921

Un vie locale animée …

Dans les années qui ont précédé l’an 1914, la vie municipale locale a été animée. Ainsi, en 1911, après la démission de Victor DAUVILLIERS, Maire élu en 1908, il faudra trois conseils municipaux (30 avril, 14 mai et 2 juillet) pour pourvoir à son remplacement par … lui-même.
En octobre 1911, il sera procédé à une élection municipale partielle suite à la démission de cinq conseillers, soit la moitié des membres du Conseil.

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Mais la crise municipale couve jusqu’au scrutin municipal de mai 1912, ou M. TOUCHARD Edouard, qui avait en avril 1911 refusé son élection comme Maire, l’accepte cette fois ci.

 

… par le souci d’améliorer le quotidien

Les raisons de cette bataille locale en est le creusement d’un nouveau puits et l’installation de l’eau courante dans le village. Lors de la séance du Conseil municipal de février 1914, celui-ci décide d’approuver le devis définitif proposé par la maison Brochet, soit 9 222 F, pour le forage d’un puits. Par délibération du 3 juillet 1914, un crédit spécifique de 7 135 F., financé par un emprunt de même montant auprès du Crédit Foncier, sera inscrit au budget pour l’établissement d’un service d’eau potable. En outre, par application de la loi de Finances du 31 mars 1903 qui a autorisé un prélèvement spécial sur les fonds du pari mutuel en vue de subventionner les travaux communaux d’adduction d’eau potable, le service hydraulique a, au cours de l’année 1913, donné un avis favorable sur le projet présenté par la communes de Chartainvilliers. (p.366 Conseil Général d’Eure-et-Loir 1913 – Rapport des Chefs de service, Rapport de l’Ingénieur en Chef Service Hydraulique).

Soucieux d’améliorer la qualité de vie des habitants, dans sa séance du 13 mars 1914, le conseil municipal donne un avis favorable “à l’installation de l’énergie électrique dans la localité et est certain que ce progrès moderne sera bien accueilli par la population”. Durant le premier semestre 1914, “Ouest Eclair” du 28/05/1914, nous apprend qu’une épidémie de rougeole a éclaté, notamment à Chartainvilliers. De ce fait, sur le plan militaire, “aucune permission ou congé ne sera accordé pour aller dans ces communes. Tous les hommes qui s’y trouvent actuellement en permission ou en congé y seront maintenus jusqu’à nouvel ordre. L’appel de ces hommes sera reporté à une date ultérieure”. 14 maladies contagieuses seront déclarées dans le village durant l’année 1914 (C. Gal 28 rapport de 1915 p.404).

Malgré cette épidémie, trois couples se marient en avril 1914. La même année, deux divorces « aux torts et griefs de la femme avec toutes les conséquences de droit » sont retranscrits dans les actes d’état civil de la Mairie et deux naissances sont enregistrées.

Prémices de guerre

Si les rumeurs de guerre grondent en Europe, la vie n’en continue pas moins son cours. Ainsi, dans le “Concours des Sept merveilles du monde”, organisé par le journal “Le Matin”, “Julien Rouleau de Chartainvilliers, 15 754e lauréat, a gagné un flacon ” Arôme des Fellahs” (Le Matin n°11052 du lundi 1 er juin 1914). Le 28 juin 1914, les événements se précipitent. L’archiduc François-Ferdinand, prince héritier de l’empire austro-hongrois, est assassiné à Sarajevo (Bosnie-Herzégovine) par un nationaliste serbe. Le jeu des alliances va plonger l’Europe dans l’horreur de la guerre. L’Autriche-Hongrie, alliée de l’Allemagne, déclare le 28 juillet 1914 la guerre à la Serbie. Celle-ci fait appel à la Russie, qui est liée, par le traité de la Triple-Entente, à la France et à la Grande-Bretagne.

Au même moment, dans son rapport au Conseil Général en date du 30 juin 1914, le Directeur des Postes dénombre 1664 abonnés au téléphone en Eure et Loir, et 232 cabines téléphoniques en service. A cette même date, alors qu’un bureau téléphonique, chargé en même temps du service télégraphique, vient d’ouvrir à Yermenonville, il précise que l’installation de bureaux de même nature aura lieu à bref délai dans différentes localités, dont : Chartainvilliers, Ecrosnes et Hanches.

Le 3 juillet 1914, le Maire expose au Conseil que l’administration du téléphone demande à ce que son poste d’abonné au téléphone soit réuni au bureau central de Chartainvilliers. Le Conseil accepte à ce que Mr Touchard se relie au poste central de Chartainvilliers et les frais occasionnés par ce changement seront à la charge de la commune. Lors de la même séance, deux familles du village bénéficie de l’attribution des allocations aux familles nécessiteuses des hommes présents sous les drapeaux en temps de guerre.

Le 12 juillet 1914, le Journal Officiel publie l’arrêté du Ministre de l’Intérieur attribuant à M. Beauchet Marie, sapeur-pompier à la subdivision de Chartainvilliers, la médaille d’honneur pour avoir constamment fait preuve de dévouement.

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Le 14 juillet 1914 un bal public est organisé dans le village. Du fait de sa mobilisation, l’animateur de celui-ci, M. Régnier Edmond, qui sera tué en 1917, ne remettra à la Mairie sa note de frais de dix francs que le 9 janvier 1916.

« Le 31 juillet 1914, député, directeur fondateur du quotidien L’Humanité et porte-parole d’un courant pacifiste opposé à la guerre, Jean Jaurès est tué, dans un café de Paris, par le militant nationaliste Raoul Villain. Après sa mort, sous l’impulsion du président Raymond Poincarré, l’idée de “l’Union sacrée” face à l’ennemi prévaut à gauche. Ce concept se traduit par une trêve entre les partis politiques de tous bords et par une réconciliation entre la République et l’Eglise, qui envoie les prêtres au front comme aumôniers et brancardiers ». (La Croix 4/01/2014).

Mais la volonté de revanche a été largement développée depuis la défaite de 1870. Ainsi, dans de nombreuses écoles, à l’instar de celle de Chartainvilliers en 1899 (“La Patriote”), sont créées des sociétés de tir scolaires. Sociétés qui ne limitent pas leur action à l’instruction au tir, mais également à enraciner la discipline militaire.mairie_la-patriote

Chartainvilliers et la Beauce d’une manière générale auront eu, quelques années auparavant, un avant-goût des combats militaires puisqu’en 1900 des manœuvres de grandes ampleurs se déroulent dans ses environs.

“Les dernières manœuvres préparatoires du 4° corps d’armée (division contre division) ont lieu aujourd’hui (9 septembre 1900). En arrivant à Maintenon, dans l’après-midi, nous avons vu rentrer, victorieuse, la 8e division (général de Saint-Julien), qui est partie de Paris il y a quelques jours et qui ayant, il est vrai, une certaine supériorité d’artillerie a repoussé, ce matin, une attaque de la 7° (général Niox), du côté de Châteauneuf-en-Thymerais. La charmante petite ville de Maintenon, avec ses ponts et ses grands arbres verts qui se mirent dans les deux bras de l’Eure, était pleine de mouvement : le 124° régiment d’infanterie, de l’artillerie et des chasseurs, le quartier général de la 8° division d’infanterie, ….. donnait un aspect guerrier à l’ancien lieu de repos de la marquise, amie du grand roi tels, à Saint-Cyr, nos brillants élèves-officiers à l’ancien séjour des jeunes filles qu’elle avait tant aimées. Lundi, toutes les troupes doivent se reposer, pour se préparer à la première période des grandes manoeuvres proprement dites corps d’armée contre corps d’armée, qui commencent mardi 11. Le général de Négrier qui, comme on sait, doit présider à la lutte du 4° contre le 10° corps, a traversé aujourd’hui Maintenon, se dirigeant vers Châteauneuf ; ce soir, le général Sonnois, commandant du 4° corps, a établi son quartier général à Chartainvilliers, à environ 6 kilomètres au sud-ouest de Maintenon”. (Le Temps 11/09/1900 n°14338).

Premiers jours de mobilisation

Mais l’engrenage se met en marche, en pleine moisson, « Samedi [1er août 1914] vers 4 heures, l’ordre de mobilisation générale est parvenu à Chartres.

mobilisation_1914 Comme une traînée de poudre, cette nouvelle, qu’on attendait depuis quelques jours, s’est répandue en ville. … Immédiatement, les communications privées, téléphoniques ou télégraphiques, ont été supprimées et l’administration des Postes et des Télégraphes a accompli l’effort considérable de faire parvenir dans presque toutes les communes du département l’ordre de mobilisation immédiate… Dimanche [2 août 1914], pendant que les réservistes et territoriaux commençaient à rejoindre leur corps, a eu lieu la réception des chevaux et voitures par l’armée… A quelques exceptions près, les prix nous ont paru suffisamment rémunérateurs ; dans tous les cas personne de s’est plaint, c’est à peine si un geste de mécontentement a été esquissé par ceux qui avaient estimé leur cheval un prix supérieur à celui payé. Dans les écoles, préparées pour recevoir les troupes, des escouades de soldats travaillent fiévreusement. Capotes, képis, pantalons, équipement militaire étaient apportés dans des voitures réquisitionnées… Des groupes sont arrêtés devant les affiches. On lit à haute voix la proclamation du président de la République à la nation française et on approuve son attitude énergique et correcte. La soirée de dimanche …les abords de la gare étaient envahis par une foule nombreuse venue là pour chercher des nouvelles. Malheureusement celles-ci manquaient… Aujourd’hui, aucun train de voyageurs ne circule. Les lignes de chemin de fer sont spécialement réservées pour les troupes. D’ailleurs tous les employés sont mobilisés… Les hommes touchés par l’ordre de mobilisation arrivent nombreux ; ils se dirigent aussitôt vers leur casernement où ils sont aussitôt habillés et équipés. Tous montrent beaucoup d’entrain… ». (Journal de Chartres 4 août 1914).

Si la crainte de la guerre et de ses conséquences doivent être présentes, une forme d’insouciance et d’allégresse flottent dans le pays. « …, la moisson avait du retard et presque tout le monde était aux champs, sauf nous les jeunes… vers deux heures et demie… voilà les gendarmes qui arrivent au grand trot sur leurs chevaux. Ils vont droit à la mairie. Là, ils trouvent le maître d’école, et le maître ressort avec l’affiche dans les mains, l’affiche blanche avec deux drapeaux en croix : MOBILISATION GENERALE. Le maître nous crie : Allez dire à Achille qu’il sonne la trompette, à Cagé de prendre son tambour. Vous, les gars, sonnez le tocsin… ils ont laissé leurs faucheuses ; les charretiers ont ramené leurs chevaux. Tout ça arrivait à bride abattue. Tout ça s’en venait de la terre. Tout le monde arrivait devant la Mairie. Un attroupement. Ils avaient tout laissé. En pleine moisson, tout est resté là. Des centaines de gens devant la mairie. … On voyait que les hommes étaient prêts.
- Et toi, quand donc tu pars ?
- Je pars le deuxième jour.
- Moi, le troisième jour.
- Moi, le vingt-cinquième jour.
- Oh, t’iras jamais. On sera revenu. …

Tu aurais vu les gars. C’était quasiment une fête, cette musique-là. C’était la Revanche. On avait la haine des Allemands. Ils étaient venus à St-Loup, en 70… Dans l’ensemble, le monde a pris la guerre comme un plaisir. Ils sont partis le lundi. Ils ont laissé leur travail et leur bonne femme comme rien du tout. Le monde était patriote comme un seul homme. Ils parlaient du 75 et du fusil Lebel : à un kilomètre, tu tues un bonhomme. Achille Pommeret, sa femme était malade d’accoucher ; il a pris le tramway à la Bourdinière ; il a pas voulu savoir si c’était un gars ou une fille. ». (extraits de Ephraïm Grenadou/Alain Prévost. Grenadou, paysan français Seuil, réédition, 1978, p.63-64).

3 août 1914 : l’Allemagne déclare la guerre à la France

Après avoir déclaré la guerre à la Russie le 1er août, l’Allemagne déclare la guerre à la France le 3 août 1914. La Grande-Bretagne rentre à son tour dans le conflit le 4 août.

L’affaire de la laiterie MAGGI

Alors que la mobilisation se met en place, les appelés de Chartainvilliers se rendent à leur centre de recrutement de Dreux. Ils y accèdent par la voie ferrée Maintenon-Dreux ouverte aux voyageurs depuis le 21 août 1887 (elle sera fermée le 20 mai 1940).

Comme souvent en temps de crise, des rumeurs apparaissent sur le comportement des étrangers. Dans le secteur de Maintenon, les agriculteurs qui travaillent pour la laiterie Maggi, propriété d’un industriel suisse, en subissent les conséquences.

Lettre du Président du Syndicat des cultivateurs du rayon de Maintenon adressée au Préfet d’Eure-et-Loir, le 11 août 1914. « Monsieur le Préfet, J’ai l’honneur de vous exposer qu’il y a dans une vingtaine de communes de la région de Maintenon, environ 700 cultivateurs, membres du syndicat, qui ont vendu par contrat le lait à provenir de leurs vaches à la Société Laitière Maggi.

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Or, depuis longtemps des bruits tendancieux circulaient représentant cette société comme étant une société d’espionnage au service de l’Allemagne. Lors de l’ordre de Mobilisation générale, la population parisienne qui exècre tout ce qui est allemand, s’est ruée sur un certain nombre de boutiques et dépôts de cette société laitière, qu’ils ont saccagés. Le résultat fut que le ramassage du lait fut cessé à Maintenon. Le lait manqua à Paris pendant que notre produit nous restait pour compte. Le 8 août, le lait fut ramassé de nouveau au dépôt de Maintenon et continue depuis. Mais cette cessation a fortement impressionné nos populations patriotes et beaucoup de fournisseurs ne veulent plus donner leur lait à cette société, à moins qu’il leur soit prouvé que ce n’est pas une société allemande. C’est pourquoi, je prie Monsieur le Préfet, de bien vouloir présenter à Monsieur le Ministre de l’intérieur, mon humble requête et le prier de nous répondre si les cultivateurs du rayon de Maintenon peuvent continuer d’avoir confiance dans la société Laitière Maggi… Le Président du Syndicat de Maintenon Signé : Gaouabault Cultivateur à Théléville, commune de Bouglainval Par Maintenon. Eure-et-Loir ». (Archives départementales d’Eure-et-Loir M 29, cité p. 15 L’Eure-et-Loir Pendant la Première Guerre Mondiale par JC Farcy CDDP d’Eure et Loir 4e trim 1981)

Dans ce contexte agité, sous la Présidence de l’Adjoint du fait de la mobilisation du Maire, en août 1914, le conseil municipal continue à administrer les affaires communales et décide qu’un cours d’adultes (pour l’apprentissage de l’écriture et de la lecture) sera ouvert pendant l’hiver 1914-15, dans ce but, il inscrit 100 F au budget (dont 25 F pour le chauffage) et sollicite une subvention de l’Etat.

Fin août 1914 : l’armée allemande à 50 kilomètres de Paris

Mais rapidement, les événements militaires tournent à la quasi déroute. L’Allemagne frappe d’abord la Belgique avant de déferler sur la France pour tenter de prendre Paris par l’Ouest. Fin août, les armées allemandes occupent entièrement les Ardennes, partiellement le Nord-Pas de Calais et la Picardie. Elles sont à Senlis, dans l’Oise, à moins de 50 kilomètres de la capitale. Le 30 août quelques bombes sont lâchées sur Paris par l’aviation ennemie. Le 2 septembre, le gouvernement s’installe à Bordeaux. Début septembre 1914, une contre-offensive des troupes françaises et britanniques permet de stopper l’avancée allemande et les contraint au repli dans l’Aisne.

Première bataille de la Marne et ses célèbres taxis parisiens réquisitionnés.

“Les taxis parisiens ont-ils vraiment permis de sauver la situation lors de la bataille de la Marne ? Christophe Gué : Les taxis ont transporté seulement cinq bataillons, qui n’ont pas combattu. Mais ils ont été employés en seconde ligne pendant la bataille de l’Ourcq, épisode clé pendant lequel l’action de la 6e armée française sur les arrières de la Ière armée allemande a provoqué sa volte-face et l’a amenée à se désolidariser de la IIème armée. Inquiète de la brèche ainsi créée, la direction suprême allemande a ordonné la retraite. Les taxis de “la Marne” se prêtaient donc bien à une mise en scène faisant d’eux le symbole d’une France capable de se ressaisir dans les pires circonstances C.G. : Pendant ces premiers mois, la guerre telle qu’on l’imaginait n’a pas résisté au choc de la réalité. En dépit des prescriptions des règlements parus depuis 1904, les troupes sont parties en campagne comme à ces grandes manœuvres où les rares tirs à blanc de canons bien en vue ne les incitaient pas à s’abriter. Subitement, elles ont été prises sous le feu de batteries et de mitrailleuses invisibles. La réalité a eu plus de peine à atteindre les “jeunes Turcs” du grand quartier général (GQG) et des QG d’armées. En position de force depuis l’affaiblissement du haut commandement consécutif à l’affaire Dreyfus, ces officiers d’état-major ambitieux étaient possédés par la mystique de l’offensive. Sans l’action de généraux comme Castelnau ou Lanrezac, le désastre aurait sans doute été total. C.G. : Près du sixième des Français tués pendant la Grande Guerre l’ont été en août et septembre 1914 ! La puissance de destruction des armes modernes face aux “pantalons rouges” rendait inévitable de lourdes pertes. L’Etat-major du général Joffre les a aggravées en sous estimant les effets du feu, à l’instar du service de santé qui prévoyait 85% de blessures légères par balles. (Entretien avec le Lieutenant-colonel Christophe Gué du Service Historique de la Défense, Chargé de cours à l’école de Guerre dans Dossier La Croix du 4/01/2014)

Septembre 1914 : Premiers morts pour Chartainvilliers

C’est le 16 septembre 1914 que le premier habitant de Chartainvilliers, ISAMBERT Victor, soldat au 301e Régiment d’Infanterie, “Mort pour la France”, est “tué à l’ennemi” à l’âge de 29 ans à Vaux-Marie dans la Meuse.

Les combats de Vaux-Marie opposent, du 7 septembre 1914 au 10 septembre 1914 pendant la Première Guerre mondiale, le 6e corps de la 3e armée française du général Sarrail au 13e corps de la 5e armée allemande commandée par le Kronprinz. Pendant que la bataille de la Marne se déroule plus à l’ouest, la 5e armée allemande tente d’enfoncer les lignes françaises pour empêcher un transfert de troupe vers la Marne et pour tenter d’encercler la place fortifiée de Verdun. Après trois jours de combats particulièrement meurtriers, les troupes françaises réussissent à bloquer l’avance allemande. Le 10 septembre 1914, l’armée du Kronprinz entame un repli de 30 à 40 km pour s’aligner avec les autres armées allemandes. Une partie des combats fut racontée par Maurice Genevoix, sous-lieutenant du 106e RI, dans son livre Sous Verdun. (wikipedia)

Un second, GUIARD Paul, soldat au 102e Régiment d’Infanterie, décédera le 26 septembre 1914 à Margny-aux-Cerises dans l’Oise, à l’âge de 23 ans. Ces deux soldats tués s’ajouteront aux cinq décès enregistrés durant l’année 1914 dans la commune.

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De septembre à novembre 1914, le front s’étend de la mer du Nord à la frontière Suisse. Il va se figer derrières les tranchées creusées par chacune des armées en présence. A la guerre de mouvement se substitue la guerre de position. Le gouvernement quitte Bordeaux pour revenir à Paris le 10 décembre 1914.

Arrêt des travaux de forage pour l’eau et solidarité aux blessés

En cette fin d’année 1914, à Chartainvilliers, en l’absence du Maire, mobilisé pour toute la durée de la guerre, en réponse à une première lettre de M. Brochot, puisatier, qui demande s’il y a lieu de reprendre les travaux de forage du puits qui ont été arrêtés par la mobilisation, le conseil municipal du 8 novembre 1914 répond que : “Vu les circonstances actuelles et les difficultés d’approvisionnement pour l’exécution des travaux (il) décide de laisser les travaux dans l’état actuel et de reprendre les affaires après la guerre. Dans sa séance extraordinaire du 15 décembre 1914, à une nouvelle demande de l’entrepreneur des travaux de forage du puits pour l’eau potable, qui vu les frais de location de moteur et autres, désire reprendre les travaux, L’Adjoint au Maire répond : “j’ai l’honneur de vous informer que les membres présents du conseil municipal ne voient pas d’obstacle à ce que les travaux du forage soient repris. Toutefois, vu les difficultés que vous avez (personnel, approvisionnement, transports), la Commune ne veut supporter aucune charge nouvelle par suite de la reprise du travail et le conseil entend rester strictement dans les clauses et conditions du traité que vous avez signé.” Du fait de cette exigence, le puisatier ne donnera pas suite à son souhait de reprise des travaux.

Lors de la même réunion, le Conseil décide de voter une somme de cinquante francs pour les soldats et évacués belges du camp d’Auvours, d’allouer cent francs, sur le budget communal, en faveur des blessés du département et d’ouvrir parmi la population une souscription.

* * *

Alors que beaucoup voyaient la victoire “au bout du fusil” et pensaient que le conflit serait de courte durée, après la percée qui amène les armées allemandes aux portes de Paris en septembre 1914, il faut bien déchanter. A fin 1914, la Grande Guerre va s’installer dans la durée, et sera la grande broyeuse de vies humaines. Si Chartainvilliers ne compte que deux soldats tués durant ces cinq premiers mois de conflit, il n’en est pas de même au niveau des différents fronts. Du seul côté français, l’année 1914 conduira à la mort, ou à la disparition, de 300 000 personnes, soit à peine moins que l’ensemble des pertes de l’année 1915 (350 000) et nettement plus que l’année 1916 (250 000), 1917 (165 000) ou 1918 (225 000).

“En cause : pas seulement le pantalon garance trop voyant, que le pouvoir civil a refusé de remplacer par souci de faire des économies, mais bien cette obstination à monter à l’assaut baïonnette au clair au mépris du feu…Les leçons de l’échec de ces premières semaines de guerre dans le domaine stratégique ne seront tirées qu’en 1917. Confronté à l’échec, l’état-major, avec le plein accord du pouvoir civil, persévère et sanctionne avec une extrême sévérité ce qui n’apparaît pas dans la ligne. Plusieurs généraux sont limogés. Et bon nombre des 675 fusillés pour refus de combattre de la première guerre mondiale le sont dès 1914-1915.” (Antoine Fouchet dans La Croix du 4/1/2014).

En plus de ces disparitions tragiques, la Grande Guerre va bouleverser considérablement la vie du pays. Les femmes vont remplacer les hommes dans de nombreuses tâches agricoles, mais aussi industrielles. Des prisonniers allemands, mais aussi des réfugiés belges, ou des tunisiens vont être appelés à effectuer une partie des travaux des champs.

1915

« Maintenant tu ne lis pas les journaux.
Mais plus tard, méfie-toi de ceux qui cherchent à te faire croire que les peuples sont chacun d’une espèce différente et qu’il faut qu’il y en ait un qui prédomine le leur ; si c’est vrai pour les uns, c’est vrai pour les autres, et c’est la guerre à perpétuité. »

Henri Barbusse Le Feu

Une année meurtrière

Alors qu’on la voyait rapide et victorieuse, la guerre s’installe et sa cruauté apparaît à tous.

A l’image du pays, où 350 000 morts seront dénombrés, l’année 1915 sera, pour les familles de Chartainvilliers la plus meurtrière des quatre années de guerre. Sur les 24 noms mentionnés sur le monument aux Morts, 8, soit le tiers, le sont au titre de l’année 1915.

Pour éviter de démoraliser les populations civiles, une loi est votée dés le 15 janvier 1915 pour interdire toute exhumation et transfert de corps de militaire mort au front.

Cela fait suite à l’interdiction faite à la presse, par le général Commandant la 4e Région militaire, en octobre 1914, de ne pas publier de listes des tués ou des blessés.

«Tac ! Tac ! Pan ! Les coups de fusil, la canonnade. Au-dessus de nous, partout, ça crépite ou ça roule, par longues rafales ou par coups séparés. Le sombre et flamboyant orage ne cesse jamais, jamais. Depuis plus de quinze mois, depuis cinq cents jours, en ce lieu du monde où nous sommes, la fusillade et le bombardement ne se sont pas arrêtés du matin au soir et du soir au matin. On est enterré au fond d’un éternel champ de bataille ; mais comme le tic-tac des horloges de nos maisons, aux temps d’autrefois, dans le passé quasi légendaire, on n’entend que cela lorsqu’on écoute».

On comprend mieux, dans ces conditions, que cette année 1915 ait pu servir, à partir de notes personnelles rédigées sur le front, de trame au célèbre roman d’Henri Barbusse «Le Feu», Prix Goncourt 1916, dont est extrait le paragraphe précédent.

Ce titre, à lire ou à relire, a d’autant plus sa place dans cette chronique que sa rédaction a été, pour partie, réalisée lors d’une hospitalisation de l’auteur à Courville en 1916.

Peut-être y-a-t-il croisé une habitante de Chartainvilliers, dont le conseil municipal a demandé, en décembre 1915, l’internement à l’hospice des vieillards de cette commune.

Dans cette guerre dévoreuse d’hommes, les blessés sont nombreux et les besoins militaires immenses. Aussi, il convient de soigner au plus vite les moins invalides, pour leur permettre un retour rapide sur le front.

C’est l’une des missions données au département d’Eure-et-Loir. Alors que les structures hospitalières permanentes sont débordées, de nombreux centres de soins temporaires voient le jour dans des institutions collectives ou dans des résidences privées. C’est à la gare de Maintenon, où a été installée une infirmerie, que passe l’immense majorité des évacués du front venant se faire soigner dans le département.

Pour permettre le financement de ces structures, des appels à la générosité sont lancés. Dans sa séance du 8 février 1915, le Conseil municipal de Chartainvilliers décide de voter une somme de cinquante francs pour l’œuvre de la Croix Rouge du Canton de Maintenon.
En novembre de la même année, il alloue une somme de vingt-cinq francs pour subvenir aux énormes dépenses de la Société de secours aux Blessés militaires de l’hôpital auxiliaire n°14 installé 23, Boulevard Chasles à Chartres.
Soit 1,1% des recettes fiscales communales, perçues au titre de 1915, qui s’élevaient à 6 455,42 frs.
La Guerre a besoin d’argent. Pour faire sortir l’or des placards, et le transformer en emprunts, des actions sont menées sous l’égide de la Banque de France. « Garder son or serait aujourd’hui se montrer mauvais français » affirme le Journal de Chartres du 27 septembre 1915. A cette date, l’équivalent de 6,5 millions de frs d’or ont été apportés par les habitants d’Eure-et-Loir, 800 millions de frs au niveau national.

Des progrès en chirurgie

Il arrive que l’horreur engendre des avancées. Ce sera le cas en matière de chirurgie militaire et civile pour la Première Guerre mondiale.
« Au départ, la doctrine était de renvoyer les blessés vers des hôpitaux de leur région d’origine. Mais ils mettaient souvent deux à trois semaines avant d’arriver. Et beaucoup mouraient de la gangrène en cours de route » (Professeur Blanc).
Aussi, , dés la fin de 1914, il fut décidé d’installer des hôpitaux militaires « de l’avant » à proximité du front.
« C’est à cette époque qu’est né un concept, toujours en vigueur aujourd’hui, celui de « triage » ou « catégorisation » des blessés pour les orienter en fonction de leur état ». (Marc Beaumelle, adjoint au Conservateur du Musée Service de Santé des armées à Paris).

Le conflit participa également au développement de l’anesthésie qui, en 1914, était inexistante sur le front.
« De 1915 à 1917, les chirurgiens utilisèrent du chloroforme qui, peu à peu, fut remplacer par l’éther » (M. Beaumelle). Après l’entrée en guerre des Etats-Unis, dés la fin 1917, les chirurgiens français purent utiliser de nouveaux produits, venus d’outre-Atlantique, en particulier le protoxyde d’Azote.
Pour éviter la propagation de la maladie, une loi du 18 octobre 1915 impose la prise en charge des réformés pour cause de tuberculose dans des structures dédiées.

Suppression de la météo et de l’absinthe

Le 5 février 1915, il est interdit à la presse de publier des bulletins météo, et en mars commencent les premiers rapatriements de civils français des zones occupées par l’Allemagne.
Le 16 du même mois, interdiction de vendre de l’absinthe, ou toute substance spiritueuses de la même famille, afin de permettre une relance de l’économie autour du vin.

Sur le Front, l’enlisement et début d’utilisation des gaz toxiques

Après le « feu vert » donné aux navires français et britanniques pour tenter d’ouvrir un front à l’est et de forcer le passage des détroits des Dardanelles, l’Empire turc, entré en guerre aux côtés de l’Allemagne et de l’Autriche-Hongrie, oppose une résistance farouche.
Les troupes alliées rembarqueront le 9 janvier 1916.

Le 18 mars 1915, il est décidé de mettre fin aux attaques en Champagne, 100 000 morts pour un gain de … 3 km.

Le 22 mars, des zeppelins allemands bombardent Chantilly dans l’Oise, et le 22 avril, à Langemark, prés d’Ypres,en Belgique, première attaque au gaz chloré.

Le 26 avril 1915, l’Italie signe le pacte de Londres, change de camp et rejoint ainsi la Triple-Entente (France, Grande-Bretagne, Russie). Faisant partie au tout début de la guerre de la Triple-Alliance avec l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie, elle avait, dans un premier temps, opté pour la neutralité.

Le 7 mai 1915, le “Lusitania” est torpillé près de l’Angleterre par un sous-marin allemand (1 198 morts, dont 120 citoyens des Etats-Unis).
Seuls six des vingt-deux canots de sauvetage peuvent être mis à la mer. En un quart d’heure, à peine, ce paquebot ultramoderne, réquisitionné par la Navy en août 1914 et équipé de 12 canons, s’enfonce rapidement par 93 mètres de profondeur.
L’indignation est générale à travers la planète, en dehors des pays des empires centraux.

W. WILSON, souligne immédiatement le décès de nombreux compatriotes américains, pour menacer l’Allemagne d’une entrée en guerre aux côtés de l’Entente.

L’indignation est telle, que l’Empereur d’Allemagne désavoue le capitaine du sous-marin, lui inflige une sanction, décide au mois d’août suivant de suspendre la guerre sous-marine, et d’offrir aux Etats-Unis une indemnité pour les pertes du Lusitania.
Mais l’évidence de l’abomination de l’acte condamné en 1915, a été mise à mal en 1972, lors de l’ouverture des archives.
L’acte de torpillage d’un navire transportant des civils reste condamnable, mais l’Amirauté britannique, et les autorités Américaines ne sont pas exclues de tout reproche.
En effet, le paquebot transportait, en contrebande, 50 tonnes d’obus et de très grandes quantité de poudre et d’explosifs.

A l’intérieur, tout est à réorganiser

Les difficultés d’approvisionnement se développent. De nombreux vols de poules, de légumes, de bovins, mais aussi de céréales sont enregistrés. Ainsi, à Bouglainval, en août 1915, Mme Letellier a constaté que toute sa récolte d’avoine lui a été volée dans un champ. Elle estime la perte à 150 frs, et n’a aucun soupçon sur l’auteur du vol.

Outre, les hommes mobilisés qui font défaut, c’est l’ensemble de la vie sociale, et économique, qu’il faut réorganiser.
Ainsi, le 2 mai, le Conseil municipal de Dreux demande l’octroi de 100 prisonniers de guerre pour les travaux des champs. Deux cents seront alloués pour l’arrondissement de Dreux.

A Chartainvilliers, des soldats permissionnaires sont affectés aux travaux agricoles. Aussi, dans sa séance du 22 août 1915, le Conseil municipal décide de prendre à la charge de la commune les frais de nourriture pour dix soldats venus faire la moisson, et non encore répartis chez les cultivateurs lors de leur arrivée le soir dans la localité.
Outre des soldats mis en permission, des prisonniers, sont mis, à compter du 3 juillet 1915, à disposition de collectivités exclusivement pour des travaux « en vue d’un intérêt général. Ces prisonniers ne doivent donc jamais être mis à la disposition des particuliers » (Règlement du Ministre de la guerre).

En Eure-et-Loir, pour l’agriculture, il est fait également appel à de la main d’oeuvre coloniale et étrangère, notamment des kabyles algériens et des jeunes tunisiens.
Dans les écoles, comme à Chartainvilliers, l’instituteur, est mobilisé sur le front. Sa femme le supplée comme secrétaire de Mairie, et c’est une remplaçante, Mlle LORENT, qui vient donner la leçon aux élèves du village, à partir de la rentrée du 27 septembre 1915.

Avisé par Monsieur FOUCAULT, instituteur titulaire du poste de Chartainvilliers mobilisé, du désir de ne plus continuer à assurer le logement de l’institutrice intérimaire qui le remplace dans la seule chambre disponible du logement occupé par Madame FOUCAULT, [dans notre actuelle Mairie], le Conseil municipal décide de voter, en janvier 1916, à Mlle LORENT, intérimaire, la somme de onze francs par mois comme indemnité représentative de logement due au personnel de l’enseignement public. Cette indemnité est supérieure aux 125 F par an maximum, pouvant être attribués pour une commune de moins de 1 000 habitants.

L’organisation de l’école en temps de guerre

A travers le rapport sur la vie scolaire dans le département depuis la déclaration de guerre, publié dans le journal Le Progrès du 30 janvier 1916, on peut apprendre que la déclaration de guerre eut pour conséquences immédiates l’appel de près de deux cents instituteurs et, dans les localités importantes, la réquisition d’une partie des immeubles scolaires pour des fins diverses…

« Dans l’agglomération de Chartres, la réquisition des écoles fut particulièrement gênante ; jusqu’à Pâques, à cause de l’insuffisance des locaux provisoires, une partie des élèves ne purent bénéficier que de classe de demi-temps.
Le personnel de remplacement qui comprend près de deux cents maîtres et maîtresses est composé d’instituteurs et de quelques institutrices en retraite, quelques instituteurs et un nombre plus élevé d’institutrices réfugiées des départements envahis, des jeunes gens et des jeunes filles qui étaient déjà occupés avant la guerre comme maîtres auxiliaires auxquels sont venus se joindre beaucoup d’autres jeunes gens et jeunes filles brevetés qui souhaitent presque tous rester dans l’enseignement…

Au début des hostilités, des garderies de vacances, assez souvent avec cantine, furent organisées dans beaucoup de communes ; elles rendirent de grands services aux familles en laissant plus de liberté aux adultes et aux adolescents pour les travaux qui pressaient. Quelques jours après la rentrée d’octobre, les jeunes filles des écoles mixtes et des écoles spéciales étaient invitées à confectionner des vêtements chauds pour les soldats du front. Les instituteurs et les institutrices surent trouver l’argent nécessaire à l’achat de la laine et des tissus et les élèves travaillèrent tout l’hiver avec la plus louable ardeur. Dans un arrondissement, le nombre des effets remis à l’inspection primaire s’est élevé à plus de six mille…

Les maîtres et leurs élèves ont été pour beaucoup dans le succès des diverses « journées » qui ont été organisées : Noël aux armées, journée du 75, journée serbe, journée française…

Le nombre des cours d’adultes pour hommes a été réduit de près de moitié… Il en est ainsi à Chartainvilliers, où le Conseil municipal, qui en août 1915 avait demandé des subventions pour la tenue d’un cours d’adultes, dans sa séance du 14 novembre 1915 décide, vu la mobilisation des jeunes classes qui fréquentaient le cours d’adultes et l’importance des travaux de la campagne, qu’il ne sera pas fait de cours d’adultes pendant l’hiver 1915-1916.
Et là où ils furent maintenus, l’objet habituel des cours fut modifié assez profondément… Auditeurs et auditrices furent régulièrement renseignés sur la guerre (cause, faits, espoirs…) ; l’amour de la patrie et la confiance dans ses destinées furent exaltés…

Dans un département essentiellement agricole, l’éducation physique des jeunes gens, généralement robustes, ne devait pas retenir beaucoup les efforts des maîtres ; ils ont eu l’impression d’être plus utiles à la patrie, et collaborer un peu à sa défense, en faisant plus servir les sociétés de tir à la carabine organisée au sein des amicales d’anciens élèves; les séances de tir furent tenues même pendant les mois d’hiver et régulièrement suivies… ».

A Chartainvilliers, rappelons qu’une société de tir “La Patriote”, dont l’instituteur était le Président, existe depuis 1899.

Les animaux aussi sont concernés par la guerre

En plus des hommes, la guerre a grand besoin de nourriture, mais aussi de chevaux et autres bêtes de somme.
Dans l’attente des réquisitions de l’autorité militaire, les animaux sont consignés dans les fermes.
Lorsqu’ils créent des dégâts les propriétaires sont indemnisés.

A Chartainvilliers, dans sa séance du 8 février 1915, le Conseil municipal décide de payer à Madame GUERIN une somme de 21 f. pour des réparations de bris de râteliers faits par des chevaux de mobilisation. Les dépenses, n’ayant pas été constatées par l’autorité militaire, restent moitié à la charge de la commune, moitié à la charge de la propriétaire de la ferme.

Inquiétudes pacifistes

Dans le département, des activités « pacifistes » sont détectées dès février 1915.
A Brou, les gendarmes ont saisi trois cartes postales qui se trouvaient à l’étalage de Mme veuve Thierry, épicière. Mme Thierry avait reçu la visite, dans le courant du mois de janvier, d’une nommée Specht, se disant représentante de la maison « Aux Alliés », 8, rue Cadet, à Paris.
La commerçante avait répondu aux offres de la femme Spetch en achetant 400 cartes postales, mais en outre de celles choisies, elle reçut dernièrement les trois cartes saisies.
Ces cartes portaient les mots : « Il faut lui dire de revenir, la guerre devrait bientôt finir. Quand la guerre sera finie notre bonheur sera infini. Reviens bien vite, reviens bientôt et reçois mille bons bécots. »

A la fin 1915, sur demande du Ministère de l’Intérieur, le Préfet vérifie s’il y a diffusion de propagande pacifiste. En réponse, le Sous-préfet de Nogent-le-Rotrou répond par la négative : « Si des brochures ou tracts ont pu toucher, ce que je ne pense pas, certaines personnes, elles n’ont en rien ébranlé la confiance de nos populations dont le patriotisme et le robuste bon sens résisteraient certainement à toutes tentatives de propagande ».
Dans le même temps, le Sous-préfet de Châteaudun demande au juge de paix de Brou de « donner des instructions verbales et confidentielles… au directeur du Journal de Brou », pour « interdire tous les articles pour ou contre la paix de façon à éviter des polémiques intempestives sur cette question ».

C’est dans ce contexte que s’annonce l’année 1916. Année de la publication, et du Prix Goncourt, du roman d’Henri Barbusse « Le Feu ».

Paroles d’écrivain

Des instituteurs sont sous-officiers à la compagnie ou infirmiers. Dans le régiment, un frère mariste est sergent au service de santé ; un ténor, cycliste du major ; un avocat, secrétaire du colonel ; un rentier, caporal d’ordinaire à la Compagnie Hors Rang. Ici, rien de tout cela. Nous sommes des soldats combattants, nous autres, et il n’y a presque pas d’intellectuels, d’artistes ou de riches qui, pendant cette guerre, auront risqué leurs figures aux créneaux, sinon en passant, ou sous des képis galonnés.

Oui, c’est vrai, on diffère profondément.
Mais pourtant on se ressemble.

Malgré les diversités d’âge, d’origine, de culture, de situation, et de tout ce qui fut, malgré les abîmes qui nous séparaient jadis, nous sommes en grandes lignes les mêmes. À travers la même silhouette grossière, on cache et on montre les mêmes mœurs, les mêmes habitudes, le même caractère simplifié d’hommes revenus à l’état primitif.
Le même parler, fait d’un mélange d’argots d’atelier et de caserne, et de patois, assaisonné de quelques néologismes, nous amalgame, comme une sauce, à la multitude compacte d’hommes qui, depuis des saisons, vide la France pour s’accumuler au Nord-Est.
Et puis, ici, attachés ensemble par un destin irrémédiable, emportés malgré nous sur le même rang, par l’immense aventure, on est bien forcé, avec les semaines et les nuits, d’aller se ressemblant. L’étroitesse terrible de la vie commune nous serre, nous adapte, nous efface les uns dans les autres.
C’est une espèce de contagion fatale. Si bien qu’un soldat apparaît pareil à un autre sans qu’il soit nécessaire, pour voir cette similitude, de les regarder de loin, aux distances où nous ne sommes que des grains de la poussière qui roule dans la plaine.
On attend. On se fatigue d’être assis : on se lève. Les articulations s’étirent avec des crissements de bois qui joue et de vieux gonds : l’humidité rouille les hommes comme les fusils, plus lentement mais plus à fond.
On est là, implantés, oisifs. Ce sera dur, aujourd’hui, de venir à bout de la journée, de se débarrasser de l’après-midi. On grelotte, on est mal ; on change de place sur place, comme un bétail parqué.
Cocon explique à son voisin la disposition de l’enchevêtrement de nos tranchées. Il a vu un plan directeur et il a fait des calculs. Il y a dans le secteur du régiment quinze lignes de tranchées françaises, les unes abandonnées, envahies par l’herbe et quasi nivelées, les autres entretenues à vif et hérissées d’hommes. Ces parallèles sont réunies par des boyaux innombrables qui tournent et font des crochets comme de vieilles rues. Le réseau est plus compact encore que nous le croyons, nous qui vivons dedans. Sur les vingt-cinq kilomètres de largeur qui forment le front de l’armée, il faut compter mille kilomètres de lignes creuses : tranchées, boyaux, sapes. Et l’armée française a dix armées. Il y a donc, du côté français, environ dix mille kilomètres de tranchées et autant du côté allemand… Et le front français n’est à peu près que la huitième partie du front de la guerre sur la surface du monde.
Ainsi parle Cocon, qui conclut en s’adressant à son voisin :
— Dans tout ça, tu vois ce qu’on est, nous autres…

L’entente des démocraties, l’entente des immensités, la levée du peuple du monde, la foi brutalement simple… Tout le reste, tout le reste, dans le passé, le présent et l’avenir, est absolument indifférent.
Et un soldat ose ajouter cette phrase, qu’il commence pourtant à voix presque basse :
— Si la guerre actuelle a fait avancer le progrès d’un pas, ses malheurs et ses tueries compteront pour peu.
Et tandis que nous nous apprêtons à rejoindre les autres, pour recommencer la guerre, le ciel noir, bouché d’orage, s’ouvre doucement au-dessus de nos têtes. Entre deux masses de nuées ténébreuses, un éclair tranquille en sort, et cette ligne de lumière, si resserrée, si endeuillée, si pauvre, qu’elle a l’air pensante, apporte tout de même la preuve que le soleil existe.

1916

Alors que 1916 va être marquée par la bataille de Verdun et celle de la Somme, « seulement » trois noms, d’enfants de Chartainvilliers, sont gravés, au titre de cette année, sur le monument aux Morts du village.
Vous trouverez, en fin d’article, la relation des combats de l’unité dans laquelle ils servaient le jour de leur disparition.

Un moral bon

Le moral des populations d’Eure-et-Loir au début 1916, selon un rapport rédigé, le 22janvier 1916, par le sous-préfet de Châteaudun, «  … continue à être bon. Il n’y a plus l’enthousiasme qui suivit la Victoire de la Marne, on constate de la lassitude, beaucoup de résignation, mais tout bien pesé le moral reste très bon…

Au surplus, nos populations essentiellement agricoles, souffrent relativement peu des hostilités. Le manque de main-d’œuvre se fait certes cruellement sentir partout, nos paysans sont obligés de se livrer à un travail dur et acharné, mais les bénéfices de la terre sont tels, aujourd’hui, qu’ils compenseraient largement tout le mal que les cultivateurs se donnent, si ceux-ci n’étaient préoccupés par les dangers que courent les leurs sur le front.

Les allocations largement accordées permettent aux familles les plus pauvres de se tirer d’affaire. Il n’y a pas de chômeurs, tous ceux qui désirent du travail en trouvent à bonnes conditions.

On se dit tout de même que la guerre est bien longue et ce sentiment se révèle surtout chez ceux qui, de par leurs fonctions, ont la responsabilité de l’administration communale.

Les maires ou ceux qui en remplissent les fonctions sont pour la plupart âgés ou valétudinaires, leurs secrétaires se trouvent dans les mêmes conditions d’âge et de santé. Il n’est pas de semaine que je ne reçoive la démission de quelque magistrat municipal. Jusqu’à présent j’ai pu, en me rendant sur les lieux, et en faisant appel à leur patriotisme, faire revenir sur leurs décisions ceux que la lourdeur et la durée de la tâche décourage un peu trop, mais il règne dans nos administrations municipales un malaise qui ne peut que croître et qu’il sera bon de surveiller  de très près ».

Appréciation confirmée dans le rapport écrit par le Sous-préfet de Nogent-le-Rotrou, le 22 février 1916, qui mentionne : « … La longueur des hostilités n’a jusqu’ici amené aucune lassitude…
Si donc le moral de nos populations est toujours aussi élevé, leur foi patriotique aussi robuste, est-ce à dire qu’il n’existe pas de mécontentement grave ?
Je dois au contraire vous signaler plusieurs causes de mécontentement dont la gravité ne saurait être méconnue.

En premier lieu, dans les agglomérations d’une certaine importance la vie chère cause dans les classes moyenne et ouvrière, une irritation dont il importe de se préoccuper. L’élévation toujours croissante des denrées de première nécessité, de la viande, du bois, du charbon surtout, dont les prix deviennent inabordables, accentue chaque jour cette irritation.

Dans les campagnes, la rareté de la main-d’œuvre, son prix élevé, l’augmentation du prix des graines et des engrais entraînent chez les plus fortes et les plus vaillantes cultivatrices un découragement inquiétant. J’insiste particulièrement sur la rareté de la main-d’œuvre : les ouvriers militaires mis à disposition des cultivatrices n’ont pas, pour la plupart, donné satisfaction à leurs employeurs. Il faut reconnaître que les équipes militaires ont été souvent composées de mobilisés dont les professions ne les préparaient nullement aux travaux agricoles. Par contre, les cultivateurs mobilisés ont été souvent envoyés dans les fermes de Normandie et de Bretagne, alors qu’ils auraient travaillé utilement chez eux.

De là, ce mécontentement profond déjà, qui a entraîné l’abandon de certaines cultures et menace d’entraîner d’autres défections.
J’ajoute que dans cette région du Perche où l’élevage tient une si grande place, on se plaint des réquisitions d’avoine qui paraissent excessives. Les greniers sont vides, il ne reste rien pour les jeunes animaux des races chevaline et bovine. Ces animaux n’ont pas eu cet hiver de nourriture suffisamment réconfortante ; ils ne résistent pas aux maladies et la mortalité devient considérable. Cette situation augmente encore le découragement de nos cultivatrices…
Une question à laquelle j’attribue une importance secondaire, mais qui mérite cependant de retenir l’attention est celle de l’exploitation des bois, presque complètement arrêtée… ».
Dans ce contexte, on comprend que les différents emprunts lancés pour aider au financement de l’effort de guerre connaissent un certain succès en Eure-et-Loir.

Ainsi, l’ Emprunt National de 5 %, initié en 1915, a été souscrit, dans les deux comptoirs de la Banque de France du département, par 1 437 personnes, pour un montant de rente de 640 244 francs, et un capital nominal de 12 804 880 francs.

Dettes, solidarité et logement de l’enseignante au menu du Conseil municipal

A Chartainvilliers, en ce début d’année 1916, le Maire, M. Touchard Charles, étant toujours mobilisé comme Maréchal des Logis à l’escadron territorial de cavalerie légère de Châteaudun, le Conseil municipal présidé par l’Adjoint au Maire a pour préoccupation de solder sa dette auprès d’un soldat, Mr REGNIER Edmond, qui a dirigé le bal public lors de la fête du 14 juillet 1914.

Ce jeune homme ayant été mobilisé n’a [pu produire] sa note de dix francs que ce jour, où il est en permission.

Les membres présents décident d’allouer la somme annuelle de vingt francs pour la société d’assistance aux orphelins de la guerre, ainsi qu’une somme de quinze francs en faveur du Comité fédératif de Secours aux prisonniers de Guerre de l’arrondissement de Chartres.

La fréquentation scolaire

« La fréquentation scolaire n’était pas très satisfaisante, avant la guerre, dans les milieux ruraux ; la rigueur du dernier hiver, les événements en cours ont encore accru le nombre des absences. Pendant les froids rigoureux que nous avons subi, beaucoup d’enfants, parmi les plus jeunes, ont manqué la classe. Des écoles ont été fermées par suite du manque de combustible. Dans certaines campagnes, pendant les derniers mois de l’année scolaire, l’insuffisance toujours plus grande de la main-d’œuvre est cause que les classes sont désertées ; il n’y reste que les jeunes élèves. Les autres motifs invoqués pour expliquer les absences sont souvent d’une lecture pénible : le manque de vêtements, le manque de chaussures surtout ; cela fait un effet lamentable dans la colonne d’observations du registre d’appel.

Mais une cause importante de mauvaise fréquentation est la négligence des parents, l’indiscipline des enfants qui, en l’absence du père mobilisé, sont presque les maîtres dans la maison et décident eux-mêmes d’aller ou de ne pas aller à l’école tel jour.

Si la population scolaire diminue visiblement par le haut, pourrait-on dire, chez les enfants au-dessous de 11 à 13 ans, elle s’accroît par le bas, chez les enfants au-dessous de 6 ans. Les instituteurs et les institutrices rendent les plus grands services aux parents en se chargeant de la garde des enfants au-dessous de l’âge scolaire ».

Source : Rapport de l’Inspecteur d’Académie du 8 août 1917 sur la situation des écoles publiques et privées dans le département d’Eure-et-Loir en 1916 (PV du C. Gal 1917 p.283-286)

Les écoliers aux champs

A noter que les écoliers rendent aussi des  « services » dans les champs en participant aux travaux agricoles.

Selon un décompte réalisé au titre de l’année 1917, dans le département d’Eure-et-Loir, la « main d’œuvre scolaire » a permis de récolter 35 449 kg de pommes de terre, 3 583 kg de choux, 2 708,05 kg de haricots, 10 955 kg d’autres produits, 46 litres d’oignons et d’élever 2 porcs, 1 chèvre, 291 lapins et 68 volailles pour une évaluation du produit net à hauteur de 12 879,15 F.

Montants le plus souvent reversés à la caisse des Œuvres des Pupilles de l’école, à la cantine scolaire, au Bureau de bienfaisance, ou comme secours en nature aux familles de réfugiés.
Source : Archives départementales d’Eure-et-Loir  6 M 17

L’approvisionnement : première préoccupation

L’une des principales préoccupations de cette 3e année de guerre est l’approvisionnement des populations et des troupes.

Pour ce faire, des restrictions sont mises aux militaires détachés dans les préfectures, sous préfectures et mairies. Ainsi, le 12 décembre 1915, le ministre de la Guerre donne comme instruction aux commandants de région militaire « de poursuivre, [en] accord avec les autorités civiles intéressées, la réduction incessante des hommes détachés dans les administrations et services publics ».

Dans le même temps, le même ministre fait savoir que les territoriaux justifiant de l’exercice d’une profession agricole, stationnés dans la zone de l’intérieur, ne peuvent se voir refuser une permission de semailles à laquelle ils ont un droit certain.

La main d’oeuvre agricole est attendue, et les travaux des champs sont une priorité.

C’est ce que confirme ce courrier, d’avril 1916, d’un jeune de Chartainvilliers à son père mobilisé ;

« Cher père
Nous avons reçu votre dernière lettre avec plaisir ,,, je n’écris pas souvent mais de ce temps-ci les jours sont longs et l’on aime bien se reposer quand arrive le soir.
De ce temps-ci, on est en train de rouler avec le gars D…, On a bientôt finit les blés et les luzernes y sont déjà et une bonne partie des avoines y sont aussi. Le matin il ne fait pas de rosée, on va finir de rouler. M… est revenu en permission de 11 jours, cela va nous faire du bien car de ce moment-ci il y a de l’ouvrage. Il a semé du nitrate dans les quatre minots et demi dans les champs de St Martin et le demi arpant le long de J… et dans les trois minots à la petite voûte où il y avait des betteraves, ainsi que dans l’arpant à la grande voûte, et il a hersé quelques champs où il y avait de l’herbe.
Hier après-midi, il a labouré le champ à M…, en bas du frou, car on y fera de l’oignon bientôt et des carottes. … Il a été aussi herser le champ à Grogneul, on va y faire des pommes de terre après, car la saison commence à s’avancer.
On finira de fumer le champ aux bornes le long de M… et préparerait la terre pour faire des betteraves. Quant aux fourrages, il y a des champs ou il n’y en a pas beaucoup. …,
Je ne vois plus rien à vous dire pour le moment, que de vous serrer, votre fils qui vous aime.
C….».

Au marché de Chartres, les prix affichés, le 3 juin 1916, sont :
Poulets maigres, 4,75 à 7,25 la paire
Poulets gras, 12,50 à 13,50 la paire
Canards, 6 à 7 la pièce
Pigeons 2,50 à 3 la paire
Lapins domestiques, 4,50 à 6,00 la pièce
Chevreaux, 6 à 8
Beurre, 3,60 à 3,80 le kilo
Œufs, 1,65 à 1,75 la douzaine
Fromages, 1,50 à 1,60 la pièce
Pain blanc, 0,40

Cela conduit le conseil municipal du village à décider que « la somme de cent cinquante francs votée par délibération en date du 27 août [1916] pour permettre au Bureau de Bienfaisance d’effectuer ses opérations, soit employée pour le paiement de la fourniture du pain et de la viande».
Du fait de la hausse des prix, se nourrir est une réelle préoccupation, même en zone rurale.

Aussi, au fil des pages des journaux locaux, soumis à la censure militaire, on peut lire que, « Plusieurs procès-verbaux ont été dressés contre des chasseurs de la région (de Néron) , dont les papiers n’étaient pas complètement en règle»  ou bien que « M. Dieu Sulpice, homme d’équipe au chemin de fer, et son fils Clément, soldat au 404e régiment d’infanterie, en permission, ont été pris au lieu dit « les Marmousets » (Droué) par les gendarmes d’Epernon en attitude de chasse alors qu’ils n’avaient pas les autorisations nécessaires. Procès-verbal leur a été dressé. (Journal de Chartres des 01/01/1916 et 04/02/1916)

Ces infractions à la chasse se multiplient d’autant plus que « la destruction du gibier qui, par arrêté du ministre de l’Agriculture, avait été autorisée jusqu’au 31 janvier [1916], a pris fin à cette date.

Jusqu’au mois d’avril la destruction des lapins, qui sont classés parmi les animaux nuisibles, sera toutefois permise aux propriétaires de chasses, ou aux fermiers munis d’une autorisation spéciale qui leur sera délivrée sur leur demande par les préfets ».

Dans le même temps, la gendarmerie enregistre des plaintes pour des vols :

– De lapins, comme à Maintenon, début mars 1916, où, lors de la « visite » du clapier de Mme Oger Pierre, gérante de la laiterie Maggi, deux superbes lapins blancs, estimés à 9 fr. 50, lui ont été soustraits;

-Ou de denrées alimentaires, comme en juin 1916, à Thélèville, chez M. Guabault Raphaël, cultivateur a constaté qu’une certaine quantité de denrées alimentaires, placées dans un fournil servant de cuisine, avaient été dérobées. Le montant du vol s’élève à 20 francs.

Dans le même temps, des falsifications sont réprimées. Ainsi, dans sa séance du 27 novembre 1916, le Tribunal Correctionnel de Dreux condamne, respectivement, à 30 francs et à 25 francs d’amende deux cultivatrices, qui ont mis en vente du lait falsifié en y ajoutant, pour la première, 10% d’eau et, pour la seconde, 5%.

Une cultivatrice de Thimert, qui a, le 23 septembre, renversé volontairement un seau de lait dans lequel un inspecteur des fraudes allait opérer un prélèvement est condamnée à 200 francs d’amende.

Sur un autre registre, on voit des élus, comme le Docteur Poupon, Conseiller Général et Maire d’Auneau, protester, dans un courrier, en date du 20 novembre 1916, adressé au Préfet, contre les exigences du ravitaillement, et notamment contre la réquisition faite aux agriculteurs de sa commune de fournir, au titre du mois de novembre, 250 quintaux de blé pour assurer le ravitaillement civil du département.

L’heure d’été et des restrictions d’éclairage

C’est par un décret de loi, signé par le Président de la République Raymond Poincaré, que l’heure d’été est instituée pour la première fois en France, le 9 juin 1916. « Dans la nuit du 14 au 15 Juin, à 23 heures, l’heure légale sera avancée de 60 minutes. L’heure normale sera rétablie le 1er Octobre… ».

Au début du siècle dernier, la principale source d’énergie industrielle et domestique était le charbon. Mais les départements qui en produisaient le plus, dans le Nord-Est de la France, étaient occupés par les Allemands. En 1916, la pénurie commençait à s’installer. Le charbon devait servir à l’industrie pour l’effort de guerre. A Paris, un député, André Honnorat, présente une loi, qui consiste à changer d’heure pour bénéficier plus longuement de la lumière naturelle. C’est l’heur d’été, grâce à laquelle on pourrait, notamment, faire des économies d’éclairage.

«  La prolongation de la guerre nous fait un devoir impérieux de ne négliger aucune source d’économie  »  déclare André Honnorat. Mais à la chambre des députés, le changement d’heure fait l’objet de vives discussions. On lui reproche de vouloir détraquer le mécanisme de la nature…. André Honnorat reçoit des lettres d’insultes et des menaces de mort.

Pourtant, deux pays ont déjà opté pour l’heure d’été : l’Allemagne le 30 Avril, et le Royaume-Uni le 21 Mai. L’heure d’été est adoptée le 9 Juin 1916. Des télégrammes sont transmis aux préfectures, des affiches sont placardées dans tout le pays. 

Elle sera reconduite d’année en année jusqu’à la seconde guerre mondiale. Elle refait surface en 1973, lors du choc pétrolier… « La France n’a pas de pétrole mais elle a des idées » dit le slogan… Et parmi ces idées c’est l’heure d’été rétablie le 28 mars 1976. 

* * *

L’évolution des prix ne concerne pas que la nourriture, mais aussi l’énergie, de ce fait, en novembre 1916, sur la proposition de son Président, « Vu l’augmentation du prix du charbon, le Conseil Municipal décide de voter une somme de vingt-cinq francs pour supplément de chauffage de la Mairie ».

Il est vrai que dans son édition du 18 novembre 1916, le journal Le Progrès indique que « dans la nuit du jeudi [16/11] au vendredi [17/11], le thermomètre est descendu jusqu’à 5° au dessous de zéro… L’hiver ne fait que commencer.

Nous ne sommes donc pas au bout de nos peines, disent les pauvres gens qui voudraient bien voir, au plus vite, solutionner la question du chauffage, aussi urgente que celle de l’alimentation.
« Considérant qu’il y a lieu de réduire la consommation de certains produits nécessaires à la défense nationale, notamment du charbon, du pétrole et de l’essence », le 16 novembre 1916, la Préfecture d’Eure-et-Loir a pris un arrêté limitant l’éclairage des magasins et lieux publics. Ainsi, à dater du 20 novembre 1916, après 18 heures, les magasins de vente et d’exposition ne pourront pas être éclairés au gaz, à l’électricité, au pétrole, ou essence, sauf les samedis, les veilles de jours fériés, les jours de foire ou de marché.
Les théâtres, concerts, music-halls, cinémas devront, en ce qui les concerne, fermer un jour par semaine. »

5 299 hectares non cultivés au 31/12/1916

Selon une note de Charles-Victor Garola, directeur des Services agricoles, 5 299 hectares de terres étaient « non cultivés » au 31 décembre 1916, dont 448,5 hectares dans le canton de Maintenon.
Cela montre la déprise des terres agricoles durant la Guerre.

Deux évadés repris dans une ferme de Chartainvilliers

Le 5 février 1916, les gendarmes ont arrêté, chez un cultivateur de la commune, les nommés Peyer Louis, âgé de 17 ans, et Courvoisier Louis, tous deux évadés de la colonie pénitentiaire de Mettray.
Cette colonie agricole et pénitentiaire a été créée à la fin des années 1830. Elle est liée au mouvement philanthropique et à ses réflexions sur le statut des enfants et l’univers carcéral. À l’époque, la séparation entre détenus majeurs et détenus mineurs n’existe pas. Quelques humanistes décident d’aménager la vie des jeunes délinquants jusqu’ici emprisonnés avec les adultes.
En avril 1839, Frédéric-Auguste Demetz démissionne de la magistrature pour fonder (le 4 juin 1839), sur un domaine de 700 hectares mis à disposition par le vicomte de Bretignières de Courteilles, la première colonie agricole et pénitentiaire sise à Mettray, dans les environs de Tours.
Cet établissement privé comporte, outre le réfectoire et les dortoirs, une chapelle, des ateliers, des étables, des fermes-écoles, de vastes champs cultivés et même une carrière de pierres. Il accueille les jeunes garçons acquittés par les tribunaux pour avoir agi sans discernement, ceux condamnés à des peines d’enfermement supérieures à six mois et n’excédant pas deux ans, les mineurs détenus par voie de correction paternelle, les enfants de l’Assistance publique placés par les services départementaux et, après la loi du 22 juillet 1912, les jeunes placés par les tribunaux.

Il y a deux sortes de colons, les sédentaires et les cultivateurs. Ils sont classés d’après leurs aptitudes et toute personne extérieure à la colonie qui cherche un apprenti peut consulter le classement pour y trouver les compétences dont il a besoin, ainsi que le tableau d’honneur des colons concernés. La colonie de Mettray est organisée en divisions de 24 enfants (ou familles), regroupés « d’après leur âge et leur conduite ».
Les pensionnaires font l’objet d’une surveillance constante. Ils ont la tête rasée une fois par mois et portent un uniforme.
Les élèves sont logés, nourris et instruits gratuitement, mais ils doivent subvenir à toutes les autres dépenses. Pour ce faire, les sommes qui leur sont dues au titre de leurs travaux sont portées sur un livret et celles qu’ils dépensent au magasin de la Colonie en sont déduites, la rétribution du travail étant fixée « de manière à ce que le montant annuel du gain n’excède pas d’une proportion déterminée la somme nécessaire pour subvenir aux dépenses laissées à la charge de l’élève » .
Le travail est pénible, la nourriture médiocre : pour une journée, 750 grammes de pain rassis (« de la surveille » et distribué en quatre fois), un litre de soupe maigre au déjeuner et au dîner, accompagné chaque fois de légumes secs. Le jeudi et le dimanche, les pensionnaires ont droit à la soupe grasse accompagnée de 75 grammes de viande cuite désossée.
Les fautes sont sanctionnées par des amendes, des retenues, la réclusion en cellule au pain et à l’eau (lorsqu’il y a insubordination ou mauvaise conduite). Le règlement prévoit cependant que « les élèves ne peuvent jamais être frappés » (règlement, article 148) et que « aucun genre de travail ne pourra être considéré comme objet de punition » (règlement, article 150), de même « [qu’]aucune punition n’entraîne pour l’élève puni la suspension du travail ».

Malgré la présence d’une infirmerie et d’un service médical, les décès, par accident, maladie, meurtre ou suicide, sont monnaie courante. Les estropiés et les malades chroniques qui ne peuvent plus exercer leur activité laborieuse doivent quitter la colonie.
L’institution, portée au début par l’enthousiasme de ses promoteurs, va des problèmes financiers et péricliter. Visée par des campagnes de presse contre « les bagnes d’enfants », elle finit par être fermée en 1939. Pendant la durée de son activité, Mettray vit passer entre ses murs plus de 17 000 enfants.

L’écrivain français Jean Genet a évoqué dans son livre Miracle de la Rose l’expérience qu’il a vécue à Mettray. Il l’évoque également dans son autobiographie Journal du voleur (aux pages 197 et 198 de la collection Folio), et dit de cette prison que si elle « comblait (ses) goûts amoureux » elle « blessa (sa) sensibilité ». Il en parle comme d’un endroit vil. Il écrit dans le Miracle de la rose : « Chaque paysan touchant une prime de cinquante francs par colon évadé qu’il ramenait, c’est une véritable chasse à l’enfant, avec fourches, fusils et chiens qui se livrait jour et nuit dans la campagne de Mettray ». [Source:Wikipedia _11/2015]

A l’Est et au Nord, l’orage de la Guerre va se déchaîner

Du 21 février au 18 décembre 1916, c’est l’enfer de Verdun où, sur à peine une vingtaine de kilomètres carrés, 162 000 Français et 143 000 Allemands sont tués, et environ 200 000 autres, dans chaque camp, sont blessés.
En dix mois, plus de 60 millions d’obus s’abattent sur les bords de la Meuse. L’offensive de l’armée allemande se voulait décisive, elle se transforma en une interminable guerre dans la guerre où, de part et d’autre, la prise d’une tranchée passait pour une victoire inespérée
Du 1er juillet au 18 novembre 1916, un autre front s’embrase, moins connu, et pourtant plus meurtrier: celui de la Somme.
Cette bataille de la Somme a été la plus meurtrière du premier conflit mondial.

Avec 470 000 morts et 600 000 blessés, dans les deux camps, elle a fait près de deux fois plus de morts et de blessés que celle de Verdun. L’armée britannique y a perdu 200 000 hommes.
Des blindés sont utilisés pour la première fois en septembre par les Britanniques. Les combats durent jusqu’en novembre

La vie dans les tranchées

Un « poilu » d’Eure-et-Loir adresse au Patriote de Châteaudun cette intéressante relation :

“La soupe du soir est partie.
Les hommes de chaque escouade sont venus toucher la marmite de soupe et celle de « singe-haricots », c’est le moment où le « cuistot », sortant sa pipe de son « falzar » graisseux se permet d’en « bourrer une ».
La journée a été dure, la cuisine, installée à deux cents mètres de la première ligne, au milieu du fourré est constituée de trois côtés de claies et recouverte d’une vague tôle ondulée, transformée par les éclats en une passoire chargée de filtrer dans le cou du cuistot les gouttelettes qui durent encore deux heures après la pluie.
La pipe allumée, assis sur un sac de boules, il goûte quelques minutes de repos, lorsque tout à coup un sifflement bien connu lui fait dresser l’oreille : « c’en est un ». Et de fait, deux secondes après, l’éclatement … boum ! Rien de cassé ! A vingt mètres en avant … boum ! voici l’autre …, fuite !
La pipe réintègre la poche et le cuistot, à plat ventre au fond d’une rigole destinée à l’écoulement des eaux plus ou moins grasses attend la fin de la rafale ; dix minutes d’un bruit d’enfer et d’accalmie. Ca y est ! encore une de passée !
Il est six heures ; le ravitaillement ne viendra, par voie ferrée, à proximité du bois, que le soir, neuf heures, dix heures… on ne sait au juste ; c’est le moment d’en « écraser » une heure ou deux.
Neuf heures. Le caporal Patates apparaît : « Debout là-dedans ! ! L’ordinaire ! »
On saute sur la boîte contenant le masque, sur le casque.
« Première section ? Présent ! Deuxième ? Présent ! Troisième ? Présent ! Quatrième ? Présent ! En route ! ».
Et le défilé des cuistots, l’un portant la barrique au « pinard », l’autre les seaux au « tacot », un troisième les sacs à pain, à viande, et le reste s’achemine vers le point où se fait la distribution.

1 500 mètres sous bois. Nuit noire.

Dans le bois, les rigoles croisent les rigoles, les boyaux croisent les boyaux, chevauchés par-ci, par-là de passerelles de fortune. A la queue-leu-leu les cuistots se suivent trébuchant sacrant…
On arrive.
L’adjudant chargé du ravitaillement, grimpé dans le wagon à marchandises, préside la distribution en criant :
– La 15e ! La 15e à la viande ! La 15e au pain ! au vin ! au singe ! au pétrole ! au bois ! au tacot !

Les hommes se chargent chacun un colis sur le dos et le retour s’opère !
Oh ! les bûches ! oh les trous ! les glissades dans la glaise, le bouchon ramassé sous la charge des 30 kilos de riz que l’on souhaiterait aux cent mille diables !
Le fût de « pinard » porté à deux sur une civière, balloté, secoué, bousculé !
Mais tout arrive à bon port. Le Boche a bien tiré une vingtaine de 77 dans la direction de la voie ferrée, mais à 25 mètres à droite ! Un moment de vague, une minute d’angoisse, et puis c’est fini. Quel mauvais pointeur !

Et chaque jour, chaque soir le cuistot s’en va… et revient … et recommence la journée du lendemain en portant le « jus » aux copains en première ligne, au petit poste, à la cagna de ceux qui reposent, fait la « croûte », porte à midi le « pinard » et le soir à nouveau le « jus » en attendant le … ravitaillement.
Aux tranchées, 14 mai 1916″
M.P.      [Source : Le Progrès 12/05/1916]

Les faits divers du quotidien

Le quotidien est également constitué de faits divers, ainsi, le 07/03/1916,  « vers 14h30, un train de voyageurs allant vers Dreux a heurté en gare de Maintenon un train de marchandises, en manoeuvrant sur la voie. Dégât matériel d’un wagon de ce dernier train, wagon où se trouvaient des moutons ; la locomotive du train de voyageurs a elle aussi subi quelques dommages.
Une locomotive de secours venue de Chartres a remorqué le train de Dreux vers 18 heures ». [déjà des retards sur les lignes ferrées ! ]

Le 10 mars 1916,  vers 10 heures, entre Chartainvilliers et Maintenon, l’auto militaire n°98.108, pilotée par le soldat C… a, sur la route nationale Paris-Chartres, butté contre un tas de terre. Sous le choc, la roue avant, de droite, s’est détachée, et le pare-brise s’est brisé. Le conducteur, lui, s’en est tiré avec une dent cassé. Le véhicule a été remorqué par un camion militaire jusqu’à Maintenon.

Plus tragique, « dans la nuit de samedi (11/03/15) à dimanche (12/03/1915) un tamponnement s’est produit, en gare de La Loupe : un train de marchandises est entré en collision avec l’arrière d’un train de voyageurs ; ces derniers, en majeur partie étaient des militaires parmi lesquels 7 ont trouvé la mort ; 53 sont plus ou moins grièvement blessés ».

Un vagabond italien arrêté à Maintenon

En mars 1916,  les gendarmes ont arrêté à la gare de Maintenon, un vagabond [italien] qui a dit se nommer Poblini Louis, être âgé de 24 ans et né à Milan. Il n’avait sur lui aucune pièce d’identité.

Au 15 avril 1916, sur les 11 trains desservant Paris/Chartres, 5 s’arrêtent à St-Piat.
Il faut 2h22 pour rallier (ou revenir) de la capitale à St-Piat.
A titre d’humour, on peut lire, dans le Progrès du 9 décembre 1916,  l’histoire suivante :
Le chef de gare, il est … goguenard :
– Je vous dis que nous n’avez plus que le train de 10 h 28 !
– Comment, Monsieur le chef de gare, il n’y en a pas un avant ?
– Non, … il n’y en pas à vent,… ils sont tous à vapeur!…

En mai 1916, à Bouglainval, pour avoir omis d’afficher, dans son débit, le texte de loi, sur l’ivresse, une débitante de la commune a récolté un procès-verbal.
Il est vrai que le même mois, à Bouglainval, un journalier étant en état d’ivresse a frappé sa femme si brutalement que celle-ci a porté plainte à la gendarmerie.

Toujours en mai 1916, un acte de solidarité est enregistré à Mévoisins, où les membres de la Société de chasse et de la compagnie de Sapeurs pompiers de cette commune ont décidé de prélever, sur leurs recettes, la somme de 160 francs « pour être partagée entre tous les enfants de la commune actuellement sur le front ».

En juillet,  les gendarmes arrêtent sur la route nationale de Maintenon, le nommé Lebaud Ferdinand, âgé de 28 ans, originaire de Luçon (Vendée), déserteur du 265e régiment d’infanterie.

De son correspondant à Maintenon, Le Progrès du 23/12/1916, nous apprend que le mercredi 20 décembre, en garnissant une lampe à essence, Mme C…, mère d’[un] cultivateur bien connu a communiqué le feu à ses vêtements….Elle [a succombé] au bout de deux heures, après d’atroces souffrances.

LES MORTS en 1916

DE CHARTAINVILLIERS

Aurélien PAPILLON   33 ans,  né le 29 mai 1883, cultivateur – 317e Régiment d’infanterie (RI)
V 09/03/16 Massiges (Marne) « tué à l’ennemi » Mort pour la France

317e Régiment d’Infanterie
Dés le 2 janvier [1916], le 317e se trouve réuni dans le secteur à peine organisé de Maisons-de-Champagne.
Il y subit, le 9, une terrible attaque pour laquelle les allemands emploient des armes nouvelles et barbares.Les hommes surpris plient un instant, mais, grâce à leur morale élevé  et conception de leur idée de Patrie, ils se reprennent et opposent bientôt à l’ennemi  une barrière infranchissable.
Dans ce secteur très dur, le 317e subit encore, le 6 mars, une nouvelle attaque que supporte vaillamment le 4e bataillon.
Seule une compagnie privée de ses chefs a dû céder un peu de terrain ; le chef de bataillon demande à ce que son unité ne soit pas relevée et à ce qu’il lui soit permis de reprendre elle-même le terrain perdu. En effet, un groupe de volontaires s’élance et reprend les tranchées, faisant 69 prisonniers, dont 8 officiers.

Si le 317e sait tenir, il sait aussi attaquer.

Le 3 mai, il exécute un brillant coup de main.
Après six mois de travaux et de combats dans ce secteur, le régiment part avec la 8e division pour Verdun.
Où il arrive le 9 juillet.
Source : Historique du 317e régiment d’infanterie

* * *

Séraphin BLONDEAU   26 ans,  né le 24 avril 1890, charretier – 28e RI 3e corps
V 21/04/16 dans l’ambulance suite blessures à Dugny (Meuse)  Mort pour la France

28e régiment d’Infanterie
21 avril (vendredi)[1916], 6 h : Violent bombardement d’artillerie lourde sur R1 et R2
8 h : L’abri R1 est démoli. Le Lt Taffary, le S/Lt Langier et une quarantaine d’hommes sont blessés (9e Cie et CM2)
Dans la matinée, le tir d’artillerie continue très intense sur R1et R2. La 9e Cie est très éprouvée.
9 h : L’artillerie ennemie bat la croupe au S. de R1, R2 et le PC du Lt Colonel
Une attaque ennemie sur ces points paraît possible. Compte rendu de la situation est adressé à la Division (fort de Tavannes)
9h40 : Cette situation est également signalée à l’artillerie par le Colonel qui demande un tir lent et continu sur les tranchées allemandes en face de R1 R2.
13h : En prévision d’une attaque ennemie, le Colonel donne l’ordre préparatoire suivant : suspendre tous les travaux, réduire les corvées au minimum.

14 à 15 h : R2 est soumis à un bombardement intense d’artillerie lourde. Les effectifs de ce retranchement sont très éprouvés.
L’observation signale que les Allemands garnissent les tranchées et les trous d’obus au Sud de vaux.
15h10 : Le Colonel demande à l’artillerie d’augmenter l’intensité de son feu.
15h40 : L’artillerie annonce qu’elle va tirer 400 coups par batteries
16h35 : Bombardement intense du PC du Colonel en lourd.
16h50 : R2 (12e Cie) rend compte que les allemands n’ont pas évacué leurs tranchées et que R2 est battu par la fusillade dès qu’un homme se montre.
Demande est faite  à l’artillerie de porter son tir au maximum d’efficacité.
18h30 :  Le colonel donne l’ordre à exécuter vers la tombée de la nuit…
20h : Des renseignements reçus de la droite de notre première ligne, il résulte que malgré la violence du tir ennemi R3 a eu peu de pertes et qu’à R2 même, la 12e Cie aurait encore un effectif de 75 hommes.

Les tranchées de 1ère ligne sont complètement bouleversées par le bombardement.
Les premières lignes allemandes paraissent garnies d’infanterie. Elles tiraillent contre les isolés circulant en arrière de R2 et de R3.

20h30 : Le tir de notre artillerie diminue d’intensité.
Le tir de l’artillerie allemande ne s’exerce plus sur la 1ère ligne, il est dirigé sur les boyaux et voies d’accès, gênant les mouvements ordonnées pour la tombée de la nuit.
22 avril (samedi) Nuit calme.
5 à 8 h : Calme relatif… »

Dans ces combats d’avril 1916, le 28e Régiment d’Infanterie dénombra : 148 tués, 532 blessés et 9 disparus.
Le 21 avril 1916, il y eu 21 évacués vers le poste médical.
Source : Journal des Marches et Opérations – Mémoire des hommes

* * *

Raphaël PAPILLON    36 ans,  né le 6 mars 1880, berger – 236e RI
V 20/07/16 secteur de Foucancourt (Somme) « tué à l’ennemi »  Mort pour la France

236e régiment d’infanterie
« L’attaque devait avoir lieu le 18 [mars 1916]. Par suite des entraves apportées à la préparation d’artillerie, elle dut être reportée au 20.
Les hommes étaient déjà fatigués. Le 20, ils l’étaient bien davantage. Malgré cette fatigue générale due à la prolongation du séjour au contact de l’ennemi et aux corvées de transport de torpilles, le Rgt a rempli son devoir avec un entrain et un esprit de sacrifice auxquels je dois rendre hommage.» (Source : Journal de Marches et d’Opérations du 236e R. I.)
« … Le 20 [juillet] 5 heures, les deux bataillons en ligne se portent en vagues d’assaut vers leurs objectifs qui pour le bataillon Deportes est bientôt franchi ; mais le bataillon Broyelle ayant à faire à plus forte partie conquiert la moitié du bois de Soyécourt  qu’une contre-attaque ennemie, très forte en nombre, l’oblige à évacuer.
La lutte est terrible, les Allemands se sont ressaisis, leur artillerie nombreuse appuie leurs mitrailleuses. Les contre-attaques massives se déclenchent de toutes parts obligeant nos héroïques soldats à se replier.
Dans la soirée une partie du terrain conquis reste entre nos mains. Les pertes étaient lourdes : Capitaine Sivan, Lieutenants Perret, Guédon, de Mecquenem tués – ce dernier assassiné par un officier boche qui s’était rendu.
Quoique élevées, elles le sont moins que celles des Allemands.
Le régiment est relevé de ses positions par le 262e et, après un repos de quelques jours, …, il remonte en ligne où il reste jusqu’au 6 août 1916 ».
Source : p. 26-27 « Historique du 236e régiment d’Infanterie  – Campagne 1914-1918 » – 1920 A. Olivier Imprimeur-Editeur à Caen

« Les pertes totales du 28 juin au 21 juillet 1916 [du 236e RI] s’élèvent à : 4 officiers tués, 8 officiers blessés, 88 « hommes de troupes » tués, 10 disparus et 317 blessés. ».
(Source : Journal de Marches et d’Opérations du 236e R. I.)

1917

Certaine du déroulement de batailles décisives durant l’année, et de la fin du conflit, la population d’Eure-et-Loir voit ses espoirs rapidement s’envoler. Son quotidien est fait de rationnements et de restrictions, sans doute plus supportables à la campagne. En cette « terrible » année 1917, elle « s’installe » dans la guerre.

                  UNE GUERRE BIEN PRESENTE

A Chartainvilliers, le vendredi 5 janvier 1917, un service funèbre célébré à la mémoire de M. Julien Régnier, tombé au champ d’honneur le 5 novembre 1916, à l’âge de 26 ans, vient rappeler la présence de la guerre et le cortège de morts qu’elle entraîne.

En 1917, cinq poilus nés à Chartainvilliers, seront emportés par les combats : LOCHON Léonard, le 2 janvier 1917 ; REGNIER Edmond, le 10 mars 1917 ; BENOIST René, le 7 mai 1917, BLONDEAU Paul, le 30 octobre 1917 ; REGNIER Georges, le 26 décembre 1917.

Dans le Journal de Chartres, daté du 27 juin 1917, on apprend également des faits glorieux.
« Le lieutenant-colonel commandant le 330e régiment d’infanterie, cite à l’ordre du régiment : BAUCHET Eugène [né à Chartainvilliers], soldat à la 22e compagnie, qui « s’est présenté comme volontaire, et pendant les combats du 18 au 21 mars 1917, jour et nuit, a porté les ordres, malgré les nombreux et très violents tirs de barrage. »

Ce poilu de Chartainvilliers sera décoré de la médaille militaire le 11 avril 1930.

SUR LE FRONT

Alors qu’Henri Barbusse, l’auteur de « Le Feu » [voir 1915], évacué pour maladie est en traitement en Eure-et-Loir à l’hôpital complémentaire 10 et 11, sur le front, la bataille continue à faire rage.

Alors qu’elle avait suspendu la guerre sous-marine après le torpillage du Lusitania [voir 1915], l’Allemagne, qui dispose de 150 sous-marins, décide, pour empêcher le ravitaillement des alliés, de la reprendre fin janvier 1917, y compris contre les navires des pays neutres.
Cette décision, le torpillage d’un navire le 19 mars 1917 et la révélation d’une proposition Allemande faite le 16 janvier 1917 au Mexique d’une alliance permettant à ce dernier d’annexer le Sud des Etats-Unis, conduisent le Congrès américain à voter la guerre à l’Allemagne le 6 avril 1917.

Les premiers soldats américains, précédés par le Général Pershing, débarquent le 26 juin 1917 à St-Nazaire. Ce n’est qu’un an plus tard qu’ils seront engagés sur le front. Outre un apport humain, la participation américaine permettra la construction, dés l’année 1917, de 3 500 aéroplanes de guerre et l’entrainement de 6 000 aviateurs.

En avril 1917, les troupes britanniques lancent une offensive en Artois (290 000 morts), pendant que, sous la conduite du Général Nivelle, les troupes françaises se lancent, sans un véritable succès, à l’assaut des lignes allemandes au Chemin des Dames (355 000 morts), au plateau de Craonne et dans l’Aisne.

Durant la bataille des monts de Champagne, les premiers blindés français font leur apparition sur le front de Laffaux et au nord de Reims.

Le 15 mai 1917, après la démission de Nivelle, Philippe Pétain le remplace comme commandant en chef des armées françaises. Foch est nommé chef d’état-major.

Dans ce contexte de batailles meurtrières et de changement d’état-major, eurent lieu (de fin avril jusqu’à début septembre 1917) plus d’une centaine d’actes individuels ou collectifs de désobéissance de soldats, dont la moitié dans l’Aisne. 68 des 112 divisions sont touchées.

Fort de son nouveau commandement, Pétain, qui croit à une agitation pacifiste, convoque le Conseil de Guerre : 3 427 mutinés sont condamnés ; 50 sont exécutés.

En août 1917, succès de l’offensive franco-britannique dans les Flandres, au nord d’Ypres, et offensive française à Verdun.

En septembre a lieu la deuxième bataille des Flandres, et en octobre, sous la direction de Pétain, les troupes françaises reconquièrent le nord-ouest du Chemin des Dames, après une offensive contre le fort de La Malmaison.
Le 11 septembre disparition en vol de Georges Guynemer, à dix kilomètres au nord-est d’Ypres.
Ni l’épave de son avion, ni son corps, ni ses effets personnels ne furent retrouvés. Pour expliquer sa disparition, les maitres d’école, s’inspirant du Cantique de l’Aile d’Edmond Rostand, apprennent aux écoliers français de l’époque que Guynemer avait volé si haut qu’il ne pouvait pas redescendre :

« Gloire à celui qui part
« Et puis que plus jamais on ne voit reparaître !
« Nul ne l’a rapporté,
« Nul ne l’a vu descendre… Ah ! c’est qu’il est, peut-être,
« Monté, monté, monté ! »

Suite à la Révolution russe du 7 novembre 1917, le 26 novembre la Russie, qui a mis fin au régime tsariste en février 1917, signe un cessez le feu séparé avec l’Allemagne, puis un armistice le 15 décembre 1917.

Le 16 novembre 1917, le président de la République, Raymond Poincarré, décide de faire appel à Georges Clemenceau pour conduire la guerre avec énergie. Le “Tigre”, comme on le surnomme, a déjà été président du Conseil de 1906 à 1909 : il va se rendre régulièrement sur le front pour galvaniser les troupes.

Dans la perspective d’améliorer l’approvisionnement du continent, selon le Journal de Chartres du 10 août 1917, le correspondant à New-York du Daily Express apprend qu’un ingénieur américain, M. John K. Hencken, a soumis à l’examen du gouvernement anglais une machine qui permettrait de creuser un tunnel sous la Manche en trente-cinq jours. Cet ingénieur a déclaré avoir déjà reçu une approbation officielle.

DECEPTION ET FATALISME EN EURE-ET-LOIR

Dans un rapport établi à l’attention du Préfet d’Eure-et-Loir, en juin 1917, il est mentionné :
« L’état des esprits en Eure-et-Loir s’est tout naturellement ressenti de la grosse déception de l’armée lors de l’arrêt de la dernière offensive, alors qu’elle avait conçu l’espoir, encouragé presque officiellement, d’une victoire décisive suivie d’une paix glorieuse, avant l’hiver. …
Les permissionnaires du front rapportèrent leur désillusion dans les foyers attristés et leur chagrin de ne plus être sûrs d’un prompt retour aux champs ou à l’atelier trouva, dans le cœur des mères et des épouses, un écho douloureux. …
C’est donc bien le moral de l’avant qui a influé sur celui de l’arrière et il est merveilleux que le mal n’ait pas fait plus de ravages dans les villes et les campagnes du département dont la population paisible continue à obéir instinctivement à son gros bon sens mêlé d’une pointe de fatalisme. Le fils, l’époux reparti, on a repris le travail non sans angoisse, mais avec résignation : les paysans inconscients s’« installent dans la guerre » et pensent aussi à ce que rapporteront les récoltes. …
Dans les usines les ouvriers sont calmes, heureux d’être à l’abri des obus en recevant de forts salaires. Une petite agitation syndicaliste, répercussion naturelle des grèves parisiennes s’est bien essayée en quelques timides tentatives, mais chaque fois tout s’est terminé en quelques heures. »
Le contrôle de l’économie agricole par l’Etat heurte toutes les habitudes d’un monde rural souvent replié sur lui-même et rétif à toute intervention extérieure suscitant résistances, et multiples réactions, voire l’exaspération, au fur et à mesure que le conflit se prolonge.

La guerre amorce non seulement « une relation de défiance de la population paysanne envers l’Etat central », mais aussi une hostilité croissante entre producteurs agricoles et consommateurs urbains. Les paysans engagés sur le front tiennent des discours accablants sur « les fainéants qui sont dans les villes et qui ne font rien » et « qui feraient mieux d’aller travailler les champs qui sont en friche ».

Plutôt que d’opérer un rapprochement, la Première Guerre mondiale marque une fracture entre gens des villes et gens des campagne.

L’ENJEU AGRICOLE

Dans la presse locale on rappelle volontiers les propos de Maurice Maunoury à la fin du Comice de Voves où il demandait de veiller sur notre agriculture. Il montrait, par l’exemple de l’Angleterre, combien la situation pouvait devenir dangereuse, à certains moments, pour un pays qui cesse de produire assez pour nourrir ses habitants.

Le manque de bras

Au recensement de 1911, à Chartainvilliers, sur 306 habitants, on dénombrait 90 personnes directement en lien avec le travail agricole. Parmi ceux-ci : 16 Propriétaires exploitants, 18 Fermiers, 16 Journaliers, 14 Charretiers, 8 Ouvriers agricoles, 11 Domestiques, 2 Cultivateurs fermiers, 2 charrons, 1 maréchal-ferrant, 1 bourrelier et 1 Vacher.

Selon Charles-Victor Garola, Directeur des Services Agricoles d’Eure-et-Loir, sur une population départementale totale de 270 000 personnes, « Pour faire face aux travaux agricoles,  … le personnel masculin total de l’agriculture est donc d’environ 64 592 individus .

Parmi ceux-ci, on dénombre : 13 608 Propriétaires exploitants ; 11 504 Propriétaires fermiers (propriétaires de terres qui en louent d’autres pour agrandir leur exploitation.) ; 7 318 Propriétaires-journaliers (tout petits propriétaires qui exploitent leur bien, et qui occupent le reste de leur temps en allant en journée dans les autres fermes) ; 6 436 Fermiers-journaliers (journaliers qui louent quelques lopins de terre afin de les cultiver dans leurs moments de liberté) ; 8 122 Fermiers.

Ces cultivateurs sont aidés d’une façon continue dans leur travail par un personnel de 20 894 domestiques, ainsi répartis : 7 389 Charretiers ; 466 Bouviers ; 2 183 Bergers ; 4 515 Divers ; 3 051 Pages (moins de 16 ans) ;  3 290 Servantes de ferme.

Pendant les grands travaux d’été pour les binages, la fenaison et la moisson, on est obligé d’avoir recours à 6 ou 8 000 ouvriers saisonniers.
Un ouvrier agricole peut gagner jusqu’à 800 frs pour les 4 mois d’été (environ 6,50 frs par jour), et jusqu’à 1 000 frs pour les autres 8 mois de l’année (soit, 4 frs par jour).

(Pour 1917, s’) il est très difficile de savoir exactement notre situation actuelle … nous avons perdu 9 000 travailleurs permanents et 7 000 ouvriers saisonniers.
Une partie du travail qu’exécutaient ces ouvriers a été fait par des hommes de plus de 50 ans, des femmes et des enfants avec l’aide des permissionnaires et des équipes agricoles.

Aujourd’hui, il ne faut plus guère compter sur cette dernière ressource. Il y a lieu d’avoir recours au Prisonniers de Guerre et peut-être à la main d’œuvre étrangère.
C’est une moyenne de 3 à 4 000 ouvriers agricoles qu’il faudrait pour toute l’année … »

Aussi, Charles-Victor Garola suggère de chercher ailleurs la main d’œuvre qui manque et de demander à l’autorité militaire les travailleurs qu’on ne peut trouver parmi les indigènes ou les étrangers (…) ou de remplacer les bras manquants autant que possible par des instruments actionnés mécaniquement en favorisant, notamment, l’acquisition des tracteurs et des instruments nécessaires à un bon travail. »

Le 9 juillet 1917, dans une lettre adressée au Président du Syndicat agricole de Chartres, le Préfet souligne : « Un effort considérable est donné pour procurer de la main d’œuvre aux cultivateurs…Le renvoi des agriculteurs des classes 1888 et 1889 … a déjà rendu 1 500 hommes à la culture d’Eure-et-Loir…. Le renvoi des agriculteurs de la classe 1890 est en cours. Les mises en sursis de spécialistes agricoles, dont la culture a par-dessus tout besoin, vont être notablement étendues… ».

En novembre 1917, on dénombre : 1 885 prisonniers de guerre, 642 travailleurs coloniaux, 110 travailleurs étrangers (dont 100 russes) et 37 internés civils affectés aux travaux agricoles dans le département.

En outre, il y a, en Eure et Loir,  2 957 soldats détachés aux travaux agricoles, 258 sursitaires occupant des métiers liés à l’agriculture (maréchal-ferrant, charrons, bourreliers, réparateurs de machines agricoles,…), 825 hommes en équipe et 2 382 journées de permissionnaires.

Hausse des surfaces non cultivées

Au 1er janvier 1917, l’état des ensemencements d’automne, d’un assez bon état, en Eure et Loir était le suivant :  97 180 ha de blé, 5 570 ha de seigle, 5 300 ha d’Orge et 1 090 ha d’Avoine.

Néanmoins, le nombre d’hectares non cultivés passe de 5 299 au 31/12/1916 à 6 392 hectares au 31/08/1917, dont 561 hectares dans le canton de Maintenon.

Soit, en huit mois, + 20,6% au niveau départemental, et + 25% au niveau du canton de Maintenon.

Cela montre l’accélération de la déprise des terres agricoles durant la Guerre dans notre secteur.

A Chartainvilliers, le Conseil municipal désigne M. DAUVILLIERS (propriétaire), M. THOMMASSET (suppléant propriétaire), M. JULLIOT (fermier) et M. DAIGNEAU (suppléant fermier) pour faire partie de la commission arbitrale sur la résiliation des baux ruraux par suite de guerre

En février 1917, d’après les dernières estimations du ministère du ravitaillement, « la récolte de blé ne sera pas cette année, aussi déficitaire qu’on l’avait craint. En tablant sur une récolte faible de 11 à 13 quintaux à l’hectare on obtiendra …(une) récolte sera supérieur à celui de l’an dernier. »

En Eure-et-Loir, Charles Victor Garola est moins optimiste car « la situation de l’agriculture, loin de s’améliorer s’est aggravée. C’est avec grande difficulté qu’on a pu faire les ensemencements d’automne par suite du mauvais temps et de l’insuffisance de main d’œuvre ».

L’Elevage

Outre la culture, l’élevage est également présent en Eure-et-Loir. On y dénombre 312 500 moutons, 2e cheptel départemental après l’Aveyron ; 92 200 bovins, 58e cheptel départemental ; 15 930 porcs, 72e cheptel départemental.

A Chartainvilliers les comptes rendus de la Sté d’Assurance Mutuelles contre la mortalité des vaches de Chartainvilliers permettent de savoir qu’il y a 31 sociétaires membres durant l’exercice du 6/2/1916 au 4/2/1917 pour 78 vaches déclarées, et 29 sociétaires pour 73 vaches déclarées durant l’exercice allant du 4/2/1917 au 3/2/1918.

Sous la signature de Maurice Violette, des conseils sont diffusés par le ministère du ravitaillement, pour l’alimentation du bétail.

Ainsi, « pour remplacer le stock déficitaire des graines de tourteaux, on peut employer pour l’alimentation du gros bétail, les fèves et fèverolles, le sarrasin, les déchets de riz, le millet, le sorgho, les châtaignes et les caroubes. Comme aliments volumineux ou aqueux, il y a lieu de préconiser les marcs de raisin ou de pommes, la bruyère, le genêt, le gui, les feuilles d’arbres et de vigne, les cucurbitacées, etc.

Pour les porcs, on devrait tirer parti des roseaux qui poussent le long des ruisseaux. Ces animaux peuvent également manger sans inconvénient jusqu’à 750 grammes par jour de déchets de peaux provenant des tanneries, sans compter les farines de poisson obtenues par dessication et traitement de poissons invendus et avariés. Les doses et mode d’emploi de ces diverses denrées ont été établis avec soin par des spécialistes.

Le marron d’Inde convient tout particulièrement au mouton. On peut également le donner au cheval. Les bovins en tirent moins profit et les porcs le refusent obstinément. Il est vénéneux pour les volailles. … Le gland peut également fournir un apport précieux à condition de se conformer strictement aux quantités indiquées par la circulaire, … »

Comme à toute époque l’agriculture est confrontée aux aléas du climat. Le mois de juin 1917 est marqué, notamment le 28, par un violent orage qui a éclaté sur Chartres et ses environs, accompagné d’un cyclone, a jeté bas de nombreux arbres de nos promenades.

LES CONQUÊTES DES FEMMES

Très fortement impliquées dans l’effort de guerre, les femmes, qui remplacent à de nombreux postes les hommes mobilisés, font de nouvelles conquêtes.

« A la demande formulée par l’Union Fraternelle des Femmes, le Conseil municipal de Paris s’est prononcé en faveur de l’admission des femmes à l’école d’horlogerie et à l’école de physique et de chimie. L’admissibilité est maintenant décidée, d’autant que des nombreuses organisations consulaires, aucune n’a élevé d’objections.
On aura donc désormais des médicinettes, des avocates, des notairesses, des pharmaciennes, des imprimeuses, des mécaniciennes, des ingénieures chimistes, des horlogères. »

Mais ses avancées ne sont pas du goût de tous, ainsi dans Le Journal de Chartres du 1er juillet 1917, qui relate cette décision, le rédacteur, courageusement anonyme ne peut s’empêcher d’y ajouter le commentaire suivant : « Espérons que pour le principe, on s’arrangera pour qu’il reste encore des femmes et des mères de famille.
Mais pendant qu’elles réalisent ainsi chaque jour des conquêtes nouvelles, les ligues féministes ne pourraient-elles pas obtenir des grands magasins que la vente des dessous féminins : pantalons, chemises, cache-corsets et autres combinaisons soit réservée exclusivement aux femmes au lieu d’être confiée aux représentants du sexe barbu ? Cela au moins ne choquerait personne. »

Néanmoins, le 7 janvier 1918, le doyen d’âge des députés déclare à la Chambre : « Il faudra qu’aux élections prochaines, par un geste de justice et de reconnaissance, il soit donné aux femmes le bulletin de vote pour leur attitude admirable pendant la guerre ».

 Il faudra, malheureusement pour les femmes françaises, un deuxième conflit mondial et attendre l’année 1945, pour que leur soit donné le droit de déposer un bulletin de vote dans les urnes

VIE LOCALE

Lors de la Réunion de la Commission Cantonale de Statistique, à laquelle tous les Maires du canton de Maintenon sont conviés, les questions communales sont examinées :

« La crise du charbon, notamment, a soulevé des réclamations unanimes. Dans la plupart des écoles, on a été obligé de revenir au chauffage au bois.

Il y a donc urgence à aviser si l’on ne veut voir l’enseignement suspendu dans quelques localités.

Faute de charbon, certaines entreprises de battage sont déjà arrêtées et d’autres vont l’être sous peu. Cela est d’autant plus regrettable que, d’une part, de nombreux cultivateurs ayant besoin d’argent, se trouvent empêchés de réaliser leurs récoltes et que, d’autre part, il est à craindre que les semences nécessaires pour mars ne soient pas battues en temps utiles. Il est à noter en outre que si les battages ne se font pas, il ne pourra être satisfait aux ordres de réquisitions.

Le gibier continue ses dégâts qui menacent d’être fort importants dans certaines communes où des battues administratives ont été refusées.
Les ensemencements en blé ont été faits dans des terres insuffisamment préparées et les surfaces ensemencées sont encore réduites comparativement à l’année dernière.
Les commandes d’engrais ont été faites et groupées, mais il est indispensable qu’ils soient livrés avant le 15 février.
Tous les cultivateurs se plaignent du prix du son qui ne cesse de s’élever et dépasse aujourd’hui considérablement les prix prévus.
La réunion réclame vivement le rétablissement des communications téléphoniques avec Paris et le département de Seine-et-Oise.
Une protestation unanime est élevée contre la réglementation trop stricte des prisonniers de guerre surtout en ce qui concerne le nombre minimum qui devrait être abaissé de 10 à 5 et la fixation des heures de travail qui devrait être assez souple pour permettre l’achèvement du travail commencé. »

Dans un courrier, adressé le 18 janvier 1917 au Président du Conseil général, le Préfet répond :

« Crise du charbon. les difficultés de transport retardent les expéditions et l’on se heurte de tous côtés à des impossibilités matérielles, qu’il est difficile de surmonter.
Dégâts du gibier. – Les intéressés paraissent avoir confondu les battues administratives qui s’appliquent à la destruction des loups, sangliers, renards et blaireaux avec les battues municipales autorisées pour la destruction des lapins et autres animaux nuisibles.
Engrais. – Ces engrais seront mis à la disposition des cultivateurs en temps opportun, à moins que les moyens de transport ne fassent défaut.
Prix du son. – Mon attention a déjà été appelée sur le son dont le prix excèderait dans une assez forte proportion celui fixé par la loi. Aucune preuve ne m’ayant été fournie, les contrevenants n’ont pu être appelés devant les tribunaux de répression.
Communications téléphoniques avec Paris et Seine et Oise. M. le ministre de la guerre saisi des vœux exprimés a répondu qu’il n’était pas possible pour le moment d’autoriser les communications sollicitées.
Prisonniers de guerre. – On s’efforce d’interpréter dans l’esprit le plus pratique les dispositions règlementaires concernant les prisonniers, en ce qui concerne le nombre minimum des équipes qui a été ramené, sous certaines conditions, à cinq hommes et la fixation des heures des différents travaux agricoles, auxquels sont assujettis les P. G. »

Achat de  pommes de terre par le conseil municipal

Les difficultés alimentaires s’accentuant, le 25 mars 1917, le Conseil municipal de Chartainvilliers « vu les sollicitations de la population agricole décide l’achat de pommes de terre pour parer à la médiocre récolte qui fut déficitaire et de qualité inférieure. »

Restrictions alimentaires

Outre les pommes de terre, d’autres produits alimentaires à base de céréales font l’objet de restriction de vente.

Par arrêté du 30 janvier 1917, le Préfet d’Eure-et-Loir interdit l’ouverture des pâtisseries « le mardi et le mercredi de chaque semaine, sauf jours fériés.
Est interdite, pendant ces deux mêmes jours, la consommation de la pâtisserie dans les restaurants, hôtels, cafés, maisons de thé et autres établissements ouverts au public. »

Les restrictions dans la consommation, notamment en ce qui concerne le pain et la viande, sont impérieusement exigées par les besoins de l’Armée et du pays. Elles ne seront efficaces qu’avec le concours de la population qui, dûment avertie, doit subir de bon cœur les privations, d’ailleurs légères, dont le Gouvernement montre, en toute loyauté, la nécessité.

Le Préfet d’Eure-et-Loir fait appel au patriotisme des habitants du département pour que dans chaque famille on s’impose la discipline indispensable, ou se plie spontanément -sans chercher à les tourner- aux restrictions et réglementations établies. Agir autrement, serait agir en mauvais Français. Le Préfet se fie à l’intelligence, à la bonne volonté des populations, et compte sur elles pour accomplir leur devoir.

Les 2 cafetiers et l’épicerie que compte la commune devront se plier à ces restrictions.

Dans le Journal de Chartres du 1er juillet 1917, l’éditorialiste s’interroge :  « Arriverons-nous à faire la soudure et à trouver assez de blé pour notre alimentation jusqu’à la moisson prochaine ?
On peut répondre affirmativement mais à condition que chacun se restreigne autant que possible et ne consomme inutilement ni farine, ni pain.
Economies et restrictions doivent être considérées aujourd’hui comme une nécessité inéluctable et le problème alimentaire domine tous les autres problèmes économiques.
Certains n’ont pas renoncé à leurs anciennes habitudes ; ils paient et croient n’avoir rien à se reprocher parce qu’ils ont donné beaucoup d’argent pour acquérir les objets ou les aliments désirés. Qu’ils sachent cependant qu’en agissant ainsi ils font preuve d’égoïsme car à chaque fois qu’ils mangent des gâteaux, boivent force bocks ou absorbent des digestifs, ils diminuent inutilement le stock, déjà bien faible, de la quantité de blé, d’orge ou de seigle nécessaire à la fabrication de la farine, de la bière ou de l’alcool ainsi consommé. …
Il importe que chacun comprenne que le blé se raréfie et que pour ne pas s’exposer à manquer de pain, il est indispensable de l’économiser et, à plus forte raison, de ne pas le gaspiller. …
G.C. »

De même pour l’alcool, le Préfet d’Eure-et-Loir prend, en juillet 1917, un arrêté « interdisant la vente au détail des spiritueux à consommer sur place dans tous les débits de boissons, sauf de 11h30 à 13h30 et de 18h30 à 20h30.
L’interdiction est absolue pour les femmes et les mineurs au-dessous de de 16 ans.
La vente des spiritueux à emporter est interdite en quantité inférieure à deux bouteilles de même espèce.
Ne sont pas compris dans ces interdictions : vin, bière, cidre, poiré, hydromel, ainsi que les vins de liqueur pourvu qu’ils ne titrent pas plus de 18 degrés et les liqueurs sucrées préparées avec des fruits frais, pourvu qu’elles ne titrent pas plus de 23 degrés. »
Il est vrai que l’alcool sert à la fabrication des munitions, mais durant cette période se manifestent aussi les ligues antialcooliques qui rappellent que :

Depuis le début de la guerre, la Russie,  l’Italie, l’Angleterre,  la Suède, la Norvège, les Etats-Unis, … ont pris des mesures d’interdiction de vente et de consommation de l’alcool.

« La France, elle, a toujours ses 500 000 débits d’alcool !

La guerre n’en a diminué ni le nombre, ni les bénéfices. L’alcool n’a point cessé d’empoisonner la race française, même à cette heure où tant de Français tombent sur le champ de bataille. Il tue la France de demain ; il ruine la France d’aujourd’hui. Il n’est pas rare de voir un ouvrier dépenser en alcool 2 francs ou 2 fr. 50 par jour. C’est là que passe ce qui devrait être l’épargne ou la nourriture et le logement de la famille.

Si rien n’est plus effrayant que les conséquences physiologiques, familiales et sociales de l’alcoolisme, la brutalité, la misère, la dégénérescence, qu’il entraine après lui, – les répercussions qu’il a du point de vue économique.

On estime généralement que l’alcoolisme fait perdre aux usines 50 à 60% de leur rendement normal. D’autre part, sur notre production totale d’alcool, les deux tiers passent en petits verres ; un tiers seulement peut être employé par l’industrie. Il ne nous en reste pas assez pour nos explosifs et nous sommes obligés d’en acheter à l’étranger.

L’alcool est un ennemi. Il sert chez nous, de toutes façons, l’Allemagne…

En France,… pour que la loi n’ose pas y toucher. Il faut que l’alcool ait en France de puissants protecteurs, depuis les gros distillateurs jusqu’aux tenanciers d’assommoirs. »

 Restriction sur le charbon

Outre les produits alimentaires, une restriction tout aussi contraignante pour la population frappe le charbon.

A la date du 3 février, le maire de Chartres écrit aux négociants en charbon de la ville :
« …Il est, en ce moment, quantité de nos concitoyens qui souffrent cruellement du froid.
Or la souffrance n’est pas toujours bonne conseillère. C’est pourquoi, préoccupé de maintenir le bon ordre dans la ville, je vous invite à ne jamais laisser s’en aller de chez vous la personne qui demandera 10 à 25 kilos de charbon, sans les lui avoir donnés, si vous les avez en chantier, cette personne ne fut-t-elle pas votre client habituel.
D’autre part, je vous invite à ne pas délivrer plus de 100 à 200 kilos à la fois à vos clients habituels.
Il importe que nous détruisions cette opinion erronée qui progresse que ceux-là seuls qui sont riches peuvent avoir du charbon.
Je compte sur votre patriotisme pour faire tout ce qui dépendra de vous pour que notre ville ne voie pas se produire des incidents regrettables… »

Pour économiser le charbon, à partir de lundi 12 février 1917, et jusqu’à nouvel avis, toutes les salles de spectacle, de réunion, les théâtres, concerts, music-halls et cinématographes, ne seront ouverts au public que le jeudi (matinée et soirée), le samedi (soirée) et le dimanche (matinée et soirée).

Les prix du charbon augmentant fortement, cela conduit le Conseil municipal de Chartainvilliers, « vu le prix du charbon les crédits pour le chauffage de l’école et la mairie ne sont pas suffisants (a) voter une somme de trois cent quatre-vingt-cinq francs  (supplémentaire)».

Dans la même séance du 26 août 1917, « vu la cherté de vivre et le travail de la mairie augmentant tous les jours (le Maire par intérim) propose aux membres du Conseil Municipal de voter une indemnité au secrétaire de la mairie [dix francs par mois] et au garde champêtre [5 francs par mois] jusqu’à la fin des hostilités, avec effet rétroactif à partir du 1er janvier 1917. »

Dans la nuit du 6 au 7 octobre 1917, le pays changera d’heure et  passera à « l’heure d’hiver », censée faire économiser 500 000 tonnes de charbon.

Un chapeau à 230 000 francs

Mais tout le monde n’a pas les mêmes préoccupations, ni les mêmes soucis.

On apprend, à la lecture du Journal de Chartres du 17 août 1917 que : « Mme la duchesse de Noailles, née de Luynes, revenant de son château de Maintenon, se rendit dans un magasin de nouveautés de Paris pour y faire des emplettes. Elle tenait à la main un petit sac en cuir qui renfermait plusieurs bijoux représentant une valeur de 225 000 francs, cinq billets de banque de 1 000 francs et de menus objets.
Pour essayer un chapeau, elle posa son sac sur un des comptoirs, mais lorsqu’elle voulut le reprendre le sac avait disparu. »

Un Impôt sur le Revenu renforcé

Nul doute que cette personne sera redevable de l’Impôt sur le Revenu, « nouvelle mouture », que le Parlement approuve le 31 juillet 1917.
Ce texte bouleverse en profondeur la loi adoptée le 7 juillet 1914 créant un impôt sur le revenu progressif, dont la première perception est intervenue en 1916, sur les revenus de 1915.

En 1917, l’effort de guerre nécessite des entrées fiscales supplémentaires.

A l’impôt sur le revenu (dont le taux maximum est porté de 10 à 12,5%) s’ajoutent des impositions cédulaires (par nature de revenus) avec des taux d’imposition différents.
Ainsi, le taux d’imposition est de 3,75% pour les bénéfices agricoles, les traitements, salaires et pensions, les bénéfices des professions non commerciales, de 4,5% pour les bénéfices industriels et commerciaux (avec une décote jusqu’à 5 000 frs), de 6% sur les revenus boursiers et 5% pour les revenus immobiliers.

Lutte contre la tuberculose

Alors qu’un dispensaire pour tuberculeux va être institué à Chartres, le Conseil municipal de Chartainvilliers décide de lui allouer, pour subvenir (à ses) énormes dépenses, une somme de vingt francs. Budget municipal qui présente un excédent de 8 966,79 frs au titre de l’exercice 1916, pour un montant de dépenses annuelles de 7 390,66 frs.

Dans le même temps des collectes sont organisées qui rapportent, en février 1917, 40,85 frs à Bouglainval, 27,25 frs à Mévoisins et 48 francs à St-Piat.

Pas de cours d’adultes durant l’hiver 1917/1918

Le Conseil décide, vu la mobilisation des jeunes classes qui fréquentaient le cours d’adultes et l’importance des travaux de la campagne, qu’il ne sera pas fait de cours d’adultes pendant l’hiver 1917-1918

Emprunt pour la Défense nationale

Un rapport de la Gendarmerie, de décembre 1917, informe le Préfet d’Eure-et-Loir de l’absence de propagande contre l’emprunt d’Etat, « ni que des militaires du front aient déconseillé par lettre à leurs parents ou amis d’y souscrire en vue d’abréger la durée de la guerre ».

Dans le même temps, l’Evêque de Chartres adresse un courrier en faveur de l’emprunt national pour être lu en chaire dans toutes les paroisses du diocèse le 9 décembre 1917.
« … Votre participation à l’emprunt national, dont les avantages matériels ne sont pas à dédaigner, contribueront efficacement à abréger cette lutte formidable. […] Nous ne pouvons pas admettre que le patriotisme français qui s’est affirmé jusqu’ici, au front et à l’arrière, d’une manière admirable, puisse fléchir à la dernière heure et refuser son épargne pour achever la défaite de l’ennemi. S’il est dit de l’aumône que donner au pauvre c’est prêter à Dieu, on peut affirmer aussi que prêter à notre Patrie, pour sa délivrance, c’est prêter à Dieu, qui a toujours aimé les Francs et qui saura bien en acquitter les intérêts en nous assurant la victoire ».

Dans la presse locale, les notables du département (Préfet, Pdt Conseil  général, Evêque de Chartres Colonel commandant la subdivision d’Eure-et-Loir, Président de la Chambre de Commerce, Président du Syndicat agricole) lancent un appel à la population pour souscrire à l’emprunt de la défense nationale  : « Souscrire à l’emprunt c’est combattre ».

LES MORTS  DE CHARTAINVILLIERS  en  1917

LOCHON Léonard 39 ans, né le 20 janvier 1877 à Chartainvilliers, Charretier
2e cl. au 317e Régiment d’Infanterie
Mort pour la France le 02/01/1917 à Guyencourt (Somme)
Campagne contre l’Allemagne du 4/08/1914 au 2/01/1917
Passé au 28e Rgt Territorial d’Infanterie le 19/04/1916
Citation l’ordre du Régiment : « Au front depuis le début de la campagne a toujours fait preuve de zèle, de courage et de dévouement. A  été blessé le 16 juillet 1916  [à Verdun]»
Décoration : Croix de Guerre, étoile de bronze.

REGNIER Edmond  27 ans,  né le 22 mai 1889 à Chartainvilliers, maçon
2e classe au 117e Régiment d’infanterie (RI)
Mort pour la France le 10 mars 1917 à Saint-Agnant [Bois Brulé] (Meuse)
Campagne contre l’Allemagne du 02/08/1914 au 10/03/1917.

« 2 mars 1917 : à partir de 19 h le 117e relève le 11e dans la zone Rabier…
1ère Compagnie à Saint-Aignant.
Relève sans incidents. Le 117e est encadré à l’Est par le 104e Territorial d’Infanterie, à l’Ouest par le 115e d’Infanterie.
3 Mars : Le Colonel prend le commandement du secteur à 8 h. Journée calme – organisation du secteur – pose de défenses accessoires …
8 mars : Journée relativement calme marquée par une certaine activité de l’artillerie de tranchées. Pertes : 2 blessés
9 mars : Journée très calme – Réfection des tranchées bouleversées par le torpillage de la veille.
10 mars : Nervosité marquée de l’ennemi. Activité de l’artillerie de tranchées et de campagne
Pertes : 1 tué et 1 blessé. »
Source : Extrait du Journal des marches et Opérations du 117e Régiment d’Infanterie pendant la Campagne contre l’Allemagne du 13 juillet 1916 au 19 février 1918

BENOIST René Baptiste Jacques 23 ans, né le 21 novembre 1893 à Chartainvilliers,  Ouvrier agricole
2e Classe au 4e Régiment de Cuirassiers
Mort pour la France le 7 mai 1917 à Laffaux (Aisne)Campagne contre l’Allemagne du 02/08/1914 au 07/05/1917

« 7 mai : 14h – Ordre à l’escadron de Roulet (du Bataillon Huet) d’évacuer les Abris pour se porter en arrière, ce qui permet aux escadrons Gabet et Fromont (1er bataillon) de se desserrer.
Ordre de regrouper les unités dans chaque Bataillon et d’organiser le secteur défensivement en reliant la seconde ligne (Rossignol) à la première (Abris).
18h – Les mitrailleuses du Bataillon Van Huffel et les F. M. de l’escadron Girod concourent à aider un essai du 9e Cuirassiers à pied pour enlever la cote 166.4.
Toute la journée l’artillerie ennemie a réagi violemment.
Action d’éclat, gestes héroïques et splendides ont été nombreux pendant ces deux jours de combat que, pour citer sans injustice, il faudrait honorer le 4e Cuirassiers à pied presque entier. »
Source : Journal de Marche du 4e Régiment Cuirassiers    5 mars 1917/26 mai 1918

BLONDEAU Paul Charles Jules 22 ans, né le 11/02/1895 à Chartainvilliers, Charretier
2e Classe au 4e Mixte de Zouaves
Mort pour la France le 30 octobre 1917 à  Notre-Dame (Aisne)
Campagne contre l’Allemagne du 15/12/1914 au 30/10/1917.
Citation à l’ordre du régiment n° 104 du 31 décembre 1916 : « A montré en tout temps un courage exemplaire au feu, s’est distingué particulièrement du 13 au 18 décembre 1916 en se portant crânement à l’attaque des positions ennemies »
Blessures : blessé par éclat d’obus le 23 octobre 1917 à la Malmaison
Décoration : Médaille militaire ordre n°7782 du 28 juillet 1919 : « Agent de liaison brave et dévoué au cours de l’attaque du fort de Malmaison le 23 octobre 1917. A assuré son service avec un mépris complet du danger dans une zone soumise à de violents bombardements. Mortellement blessé dans l’accomplissement de son devoir »

[A partir du retrait allemand sur le Chemin des Dames, le 20 avril 1917, la tranchée de la Danse est le cœur du dispositif dans ce secteur . Elle est l’axe de la défense allemande.
Le 23 octobre 1917, elle constitue l’un des objectifs assigné au 4e Mixte lors du déclenchement de la bataille de La Malmaison.]
« Dans la nuit du 22 au 23 octobre, (deux) Bataillon(s) du 4e Mixte prenaient leur dispositif de départ dans les tranchées et parallèles du Plateau des Marraines où ils commencèrent à subir quelques pertes (une centaine pour le Bataillon Meffrey, en y comprenant celles des 31 et 22 octobre).
Mais ces pertes, loin d’éteindre l’ardeur combative des troupes ne fit que les rendre plus impatientes de foncer sur l’adversaire ; aussi, est-ce avec joie qu’elles accueillent l’ordre d’attaque.
Le 23, à 5h15, le Bataillon Meffrey sortait des parallèles de départ et s’échelonnait en progressant dans l’ombre derrière le barrage roulant d’obus qui maintenait chez la troupe la confiance que lui avait donné la formidable préparation d’artillerie à laquelle elle avait en partie assisté. Pour éviter les erreurs dans la direction, les gradés avaient été munis d’une boussole et les sections étaient formées en petites colonnes…
Les sections d’assaut avançaient au contact étroit du barrage roulant, si bien que l’ennemi eut à peine le temps de se ressaisir après le passage de la rafale d’artillerie. … »

Pour la période du 23 au 30 octobre 1917, les pertes subies par le 4e Mixte sont de : 155 tués, 455 blessés et 152 disparus
Source : Extrait du Journal de Marche du 4e Régiment Mixte Zouaves-Tirailleurs 1er janvier 1917 au 31 décembre 1919

REGNIER Georges Eugène 25 ans, né le 08 mars 1892 à Chartainvilliers, Charretier
Soldat au 74e Régiment d’Infanterie, Décédé le 26 décembre 1917 à Chartainvilliers
Campagne contre l’Allemagne du 22/11/1914 au 22/05/1915

Sources : Archives communales – Mairie de Chartainvilliers  /  L’Eure-et-Loir Pendant la Première Guerre Mondiale par JC Farcy CDDP d’Eure et Loir 4e trim 1981  /  “Quatre ans de conflit en vingt dates” par Antoine Fouchet dans Dossier La Croix du 4/01/2014  /  Conseil général d’Eure-et-Loir -2e session ordinaire de 1919  /  1914-1918 Le Front de l’intérieur L’Eure-et-Loir dans la guerre – Cgal28  2014  /  Journal de Chartres – Archives Dales d’Eure-et-Loir site internet  /  Le Progrès – Archives Dales d’Eure-et-Loir site internet  /  www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr  /  gallica.bnf.fr

1918

Après un premier semestre d’incertitudes, la victoire et la fin des hostilités vont se dessiner.
Pourtant, le 15 août 1918, la ville de Chartres est frappée par des bombes… et, en septembre, le Conseil municipal de Chartainvilliers demande le remplacement de l’institutrice intérimaire.

* * *

Si le 8 janvier, le Président américain Wilson annonce un programme de paix en « Quatorze points » : dont, souveraineté de la Belgique, libération de la France, développement autonome des peuples de l’Autriche-Hongrie, création d’une Société des Nations, le comité international de la Croix rouge demande l’arrêt de l’emploi de gaz de combat le 6 février 1918.

En Eure-et-Loir, l’usine d’armement Ribenstock, ouverte à Méroger (Bonneval) en janvier 1918, n’arrêtera que le 30 octobre 1918 sa fabrication de gaz toxiques…
Durant cette année 1918, la guerre va connaitre une nouvelle vigueur. Le département d’Eure-et-Loir, jusqu’ici épargné de ses conséquences directes, va subir des alertes aériennes ; comme le 2 février à Chartres, où l’arrivée d’un Zeppelin est redoutée.

Trois poilus, nés à Chartainvilliers, trouveront la mort dans ces derniers mois de conflit : CHEVALLIER Denis, le 11/08/1918;  CERSAULT Octave, le 27/08/1918 ; BENOIST Jean, le 10/11/1918.

UNE GUERRE INDECISE

Comme une réponse à la déclaration, faite lors du vote du budget le 8 mars 1918, par Clemenceau : « Je fais la guerre »; l’Allemagne lance un raid d’avions sur Paris qui fait 9 tués et 39 blessés. A compter du 23 mars, jusqu’au 9 août 1918, elle utilise pour la première fois des canons à très longue portée, les Pariser Kanonen  (improprement appelés du côté français « Grosse Bertha »), qui tirent à plus de 120 km de distance ; en un peu plus de 4 mois, ils enverront 367 obus sur Paris et les communes environnantes, causant la mort de 256 personnes et en blessant 620 autres.

A partir du 13 avril des obus sont tirés la nuit.
Les Français commencent à craindre la défaite. Certains responsables envisagent un repli du gouvernement vers la Loire. A la mi-mars, les allemands attaquent en Picardie, où les premières troupes américaines sont engagées entre Amiens et Reims, car les alliés sont en grande difficulté. Une autre attaque allemande est lancée, en avril, dans les Flandres.

Dans ce climat d’inquiétude, les sursis de battage ne sont pas renouvelés au-delà du 31/03/2018. Les intéressés doivent rejoindre leur corps.

Le 30 mai, les Allemands atteignent la Marne à Château-Thierry.

Dans la presse parisienne, un seul mot d’ordre : Confiance !
« Certes notre armée s’est laissée surprendre …, mais aujourd’hui que nos réserves ont eu le temps d’arriver en face des troupes ennemies l’espoir doit renaître. », écrit, le 2 juin 1918, à sa une Le Journal de Chartres .
Le même jour, Le Progrès, un autre journal chartrain, titre : « L’avance ennemie s’est ralentie – les patrouilles allemandes ont cependant atteint la Marne ».

Les Allemands ont bousculé le front des Alliés en Picardie et en Champagne, mais ne sont pas parvenus à le rompre.

LA CONTRE-OFFENSIVE  VICTORIEUSE

Après avoir vacillées, les troupes Alliées, reprenant une guerre de mouvement, engagent une contre-offensive en juillet 1918. C’est la seconde bataille de la Marne. Les troupes françaises, parmi lesquelles figurent des tirailleurs marocains et malgaches, attaquent avec le contingent américain, qui a dépassé le million d’hommes depuis le 1er juillet. Les chars Renault sont utilisés massivement. Les Allemands finissent par reculer.

Les titres de la presse locale évoluent.

Dans le Progrès, on peut lire à la une de ce journal : « Nos troupes enlèvent plusieurs villages au sud de l’Aisne » (30 juin 1918) ; « Victorieuse diversion de nos troupes – entre l’Aisne et la Marne, nous avons fait 17 000 prisonniers et capturé 360 canons » (21 juillet 1918) ; « Nos soldats remportent de nouveaux succès sur l’Ourcq, sur la Marne et en Champagne » (28/07/1918) ; « Malgré la résistance ennemie – Gury, Les Loges, Proyard tombent aux mains des Alliés » (14 août 1914).

Pourtant, alors que les armées alliées progressent dans le Nord et l’Est de la France, la guerre va venir frapper l’Eure-et-Loir.

Nuit du 15-16/08/1918 :   Bombardement  de Chartres

Un avion allemand qui a passé les lignes française au-dessus de Clermont (Oise) vers 22h15, un Gotha, où il a échappé au tir de la D.C.A., passe, à basse altitude, vers 23h45, près de Chartainvilliers entre Maintenon et Gallardon ; son objectif : Chartres.

La presse locale, malgré la censure,  raconte, dans ses éditions du 18/11/1918, ce raid.
« Pour la première fois, dans la nuit de jeudi à vendredi, vers minuit, le département d’Eure-et-Loir a été bombardé. …, les habitants d’une localité qu’il nous est défendu de désigner et qui n’ont plus maintenant rien à envier à ceux de la capitale, ont été réveillés par cinq ou six formidables détonations qui se sont succédées à quelques secondes d’intervalle.

On crut d’abord que c’était un orage qui éclatait au-dessus de la ville en question, mais voyant le ciel étoilé, on n’eut plus de doute qu’un avion, appartenant à une escadrille qui survolait la région parisienne, avait poussé plus loin pour aller jeter ailleurs la mort et la dévastation.
Des personnes, qui rentraient chez elles et qui avaient entendu le bruit du moteur, avait vu en effet un avion volant à faible hauteur et jetant des fusées éclairantes probablement pour être mieux fixé sur le point qu’il voulait atteindre.
[Censuré]
Et nous devons le dire, tout à son honneur, la population a reçu dans le plus grand calme les quelques bombes que lui destinaient les pirates aériens ennemis.

Mais ce raid a convaincu les Beaucerons de la sauvagerie teutonne. Les Allemands ne pourront jamais se targuer d’avoir voulu effectuer chez nous une opération militaire. Il n’y a point de troupes et les centres d’aviation sont éloignés des villes. Or, l’avion boche a survolé l’agglomération assez bas pour être assuré de ne pas manquer les demeures particulières qu’il cherchait à atteindre. Guerre aux populations civiles, c’est bien le mot d’ordre du kaiser.
Mais ce mot d’ordre n’aura qu’un effet : celui de mettre dans le cœur des Beaucerons plus de haine encore contre le Boche exécré et d’exciter leur désir de terrasser complètement l’oligarchie militaire prussienne.

De ce qui précède, il résulte qu’il ne faut pas rire des mesures de précaution qui ont été prises jusqu’ici et de celles qu’on va prendre certainement encore.
Il y a d’ailleurs lieu de se tranquilliser car les aviateurs sont suffisamment nombreux dans la ville atteinte pour espérer qu’à la moindre alerte quelques-uns d’entre eux s’empresseront de prendre l’air pour combattre l’avion boche.
Emettons maintenant un vœu : c’est que des mesures rigoureuses soient prises. Il est absolument nécessaire que l’alerte soit donnée dès que les avions ennemis se dirigent sur Paris et il n’est guère utile d’attendre que ceux-ci aient pris de Paris [Censuré] de nos villes pour donner l’alarme.

On donnera ainsi à la population le temps de se mettre à l’abri.

D’autre part, il faut exiger l’extinction complète des lumières et des sanctions très sévères devront être prises contre les contrevenants. Les établissements militaires et civils devront être invités à donner l’exemple.
[Censuré] »
Mairie de [Censuré] – Les obsèques des victimes du raid, célébrées aux frais de la ville [Censuré] et auxquelles sont priées d’y assister les autorités civiles et militaires auront lieu le mardi 20 août 1918, à 10 heures précis, en l’église cathédrale.

Outre des dégâts matériels causés à des habitations, notamment à l’angle des rues Marceau et de la Volaille, les 13 bombes larguées par le Gotha font 3 morts et 5 blessés.

Dans son édition du 18/08/1918, Le Journal de Chartres nous apprend également :
«  Suites d’un raid de Gothas, Nous lisons dans l’Intransigeant : Lors de la dernière alerte, un gotha qui sans doute s’était quelque peu égaré, après avoir jeté ses bombes sur C… du atterrir tout près de R…
La buraliste du petit village où eut lieu l’atterrissage, téléphona immédiatement à la gendarmerie de R… Mais on lui répondit : « Je n’ai pas reçu d’ordres ! »
Mais enfin, le boche va reprendre son vol…
On ne peut pas déplacer la force armée sans ordre supérieur…
La brave buraliste se suspendit à nouveau au téléphone et demanda C… Les communications sont longues ; les aviateurs allemands qui ne perdaient pas de temps, après avoir réparé le moteur, déblayaient de ses gerbes un champ de blé pour pouvoir reprendre leur vol. Quand l’auto militaire arriva, il était trop tard… ».

Ce que ne dit pas la presse, c’est la présence, dans la périphérie de Chartres, d’un centre de formation de pilotes de guerre, ni celle, à Lucé, d’une usine de chargement de grenades.

Le 15 septembre 1918, tandis que la ville de Nancy est libérée, l’Armée d’Orient attaque avec succès les forces germano-bulgares à partir de la Grèce. Un mois plus tard, sur le front italien, les Alliés font reculer l’Autriche-Hongrie.
Le 29 septembre, des généraux allemands proposent de demander un armistice sur la base des 14 points du Pdt Wilson
Le 30 octobre, sur le cuirassé anglais « HMS Agamemnon », signature d’un accord d’armistice qui met fin aux hostilités entre l’Empire ottoman -ou ce qu’il en reste – et la Grande-Bretagne, la France et leurs alliés grec et italien.

L’amiral français commandant en chef des flottes alliées en Méditerranée est écarté des négociations par les Anglais et ne signera pas l’armistice.
L’attitude de Londres laissait préfigurer les relations franco-britanniques qui allaient suivre au Moyen-Orient. Les intérêts des deux puissances ne concordaient pas.

Le 9 novembre 1918, Guillaume Apollinaire, écrivain ,meurt, à Paris de la grippe espagnole. Né sujet polonais de l’Empire russe, il est déclaré Mort pour la France en raison de son engagement comme volontaire durant la guerre. Le même jour, l’empereur allemand Guillaume II abdique et part se réfugier aux Pays-Bas.

Carte postale

Je t’écris de dessous la tente
Tandis que meurt ce jour d’été
Où floraison éblouissante
Dans le ciel à peine bleuté
Une canonnade éclatante
Se fane avant d’avoir été

Guillaume Apollinaire

LA TRANCHEE

O jeunes gens je m’offre à vous comme une épouse
Mon amour est puissant j’aime jusqu’à la mort
Tapie au fond du sol je vous guette jalouse
Et mon corps n’est en tout qu’un long baiser qui mord

Guillaume Apollinaire

 

 

L’ARMISTICE

11 novembre 1918, au 1 562e jour de Guerre, 52e mois de conflit, les généraux allemands signent l’armistice, à 6 heures du matin, dans la clairière de Rethondes, en forêt de Compiègne (Oise).

A 11 heures, les hostilités sont suspendues.

À Paris, un million de personnes descendent dans la rue pour célébrer l’armistice. Malgré la défaite, celui-ci est également fêté à Berlin par la population allemande, pour qui elle signifie la fin des souffrances.
A Chartres, se déroule une « Imposante manifestation patriotique », de l’Hotel de ville à la Préfecture.

« La nouvelle de l’armistice chuchotée toute la matinée, fut connue à midi par les télégrammes affichés à la vitrine des journaux.
En un instant, les fenêtres s’égayèrent de drapeaux aux couleurs des Alliés tandis que la population joyeuse et active tendait des banderoles à travers les rues. …
Aujourd’hui la guerre est finie et la Victoire a favorisé nos armes.

A ce moment, les cloches de Chartres, à l’unisson de toutes les cloches de France annoncent à tous la fin du cauchemar et la grande et radieuse victoire.
Le canon tonne, canon d’allégresse qui ne sème plus la mort, mais apporte à tous l’assurance de la Paix.
Le Maire et le Conseil municipal apparaissent sur le perron de l’Hôtel-de-Ville tandis que l’harmonie chartraine joue La Marseillaise écoutée par une profonde émotion par la foule qui se presse dans la cour d’honneur.
Aux dernières notes de l’hymne national un cri sort de toutes les poitrines : « Vive la France ».
Et le cortège se forme joyeux, emporté parmi les chants et les clameurs d’un peuple triomphant, en un flot tumultueux d’où émerge une quantité de drapeaux, grands et petits, qu’agite gaiement la foule des citoyens et des soldats.
Musique en tête. Le Conseil municipal à la suite, le défilé sans cesse grossi, … ».

Le 13 novembre 1918, Le Progrès, journal local, titre :

« On les a !  L’Allemagne signe sa Capitulation

L’Alsace-Lorraine restituée
La libération du territoire
L’enthousiasme en France.
Abandon du matériel de guerre, Evacuation de la rive gauche du Rhin, livraison du matériel roulant, rapatriement des prisonniers sans réciprocité… »

Le 1er décembre 1918, les troupes alliées entrent  en Allemagne.
Le  9, l’Alsace-Lorraine est restituée à la France.
Le 26 décembre, un décret crée un office spécialisé chargé de la liquidation des stocks militaires accumulés en quatre ans de guerre.
Les combats qui se déroulent encore sur le territoire national empêchent la tenue des électionslégislatives du printemps pour renouveler la chambre. Elles sont repoussées au mois de décembre 1919.

Le traité de Paix de Versailles sera signé le 28 juin 1919  et promulgué le 10 janvier 1920. Il annonce la création de la Société des Nations (SDN) et détermine les sanctions prises à l’encontre de l’Allemagne et de ses alliés. Celle-ci, qui n’est pas représentée au cours de la conférence, est amputée de certains territoires et privée de ses colonies, et astreinte à de lourdes réparations économiques (132 milliards de marks-or de dommages dus à la France et à la Belgique, correspondant à 47 312,1 tonnes d’or, lesquelles vaudraient, au cours de l’once d’or au 26 octobre 2018, environ 1 645 milliards d’euros) et à d’importantes restrictions de sa capacité militaire.

On sait, maintenant, vers quelles nouvelles catastrophes ce traité va conduire l’Europe, et le monde entier.

VIE LOCALE

Outre la censure militaire, la presse locale est soumise aussi aux restrictions concernant le papier. De ce fait, le nombre de pages diminue et les sources d’information sur la vie locale, durant cette année 1918, se restreignent.

Néanmoins, on peut y constater que l’approvisionnement alimentaire des populations, notamment celles des villes, est la préoccupation qui domine.

ALIMENTATION

Dés le 4 janvier, le Journal de Chartres, annonce que : « Maintenant que les fêtes de Noël et du 1er janvier sont passées, le ministre du Ravitaillement se propose d’ordonner la fermeture de toutes les pâtisseries.

Afin de permettre au personnel qui va chômer de trouver de nouveaux emplois, il sera accordé un délai avant la fermeture complète ». La fermeture deviendra effective à compter du 18 février 1918.
Plus problématique est l’arrêté préfectoral du 28 décembre 1917 qui impose une réduction dans la consommation du pain de 20%. « Nos ressources en céréales panifiables ne suffisent pas à assurer nos besoins d’ici la prochaine récolte.
Chacun de nous doit réduire sa consommation de pain, si nous voulons éviter la disette plus redoutable qu’une bataille perdue.
A partir du 1er janvier [1918], le contingent de farine mis à la disposition des boulangeries sera diminué de 20%…
La privation sera légère, comparée aux souffrances de nos soldats, qui eux, ne doivent pas manquer de pain.
Elle est indispensable si nous voulons atteindre, sans graves difficultés, la moisson prochaine, si nous voulons seconder l’élan admirable de nos armées, si nous voulons maintenir au plus haut degré de résistance le moral du pays. »

Arrêté complété par une circulaire du 27 mars 1918, qui précise les quantités des rations à délivrer dont :
« Catégorie T (adultes se livrant à des travaux de force) : 400 grammes par jour ;… Vous pourrez allouer un supplément de 100 grammes aux consommateurs de la catégorie T accomplissant des travaux particulièrement pénibles, y compris les travaux de nuit et les travaux agricoles. »

Cette restriction portée à la consommation du pain entraînera une vive critique de plusieurs conseillers généraux se plaignant que les ouvriers agricoles n’ont pas une ration suffisante.

Dans sa réponse, Mr le Préfet indique qu’il ne pourra pas tolérer qu’il soit donné plus de 500 grs de pain aux travailleurs, alors que dans certains départements la ration ne dépasse pas 200 grammes.

« Il faut savoir se restreindre si nous voulons la victoire ».

La mise en pratique d’une carte individuelle d’alimentation, à compter du 1er avril, permettra le contrôle des restrictions alimentaires, qui, après l’alcool, les pâtisseries, le pain, toucheront la viande à partir du 15 mai 1918. Jusqu’au 19 juillet 1918, il y aura 3 jours de la semaine sans viande (mercredi, jeudi et vendredi), et, les autres jours, la vente sera limitée à 200 grammes par personne.
Mais les fraudes se multipliant, Un décret institue, en juillet 1918, des sanctions en matière de fraude relative à la carte d’alimentation.

Parallèlement, les prix s’envolent. L’inflation qui a atteint les 20% en 1917, dépassera les 29% en 1918.
Dans ces conditions de nombreux produits verront leur prix encadré. Comme les pommes de terre, pour lesquelles, en juin 1918, « il a été convenu que le prix de 70 francs les cent kilos pour la vente en gros à Paris et de 0,90 le kilo pour la vente au détail… doit être considéré comme suffisant pour assurer au début de la saison une rémunération légitime aux producteurs et aux divers intermédiaires. Ce prix maximum, modifié selon l’importance des frais des transport, doit être pris pour base de vente sur tout le territoire.

Ces prix s’abaisseront dès que la production sera un peu abondante.
Le prix de vente des pommes de terre primeurs dans le département d’Eure-et-Loir doit rester en harmonie avec les prix arrêtés plus haut.

La rémunération des détaillants ne devra donc pas dépasser celle adoptée par la région parisienne, soit 0,20 fr. par kilo. Il en résulte que la baisse dans les lieux de production devra avoir sa répercussion sur les marchés du département. »

En juillet 1918, pour enrayer la hausse des denrées de consommation, M. le Préfet d’Eure-et-Loir adresse aux maires du département une circulaire pour les prier d’exercer une surveillance sur les prix des différentes denrées de consommation et de réunir la commission communale des cours pour lui demander d’examiner les mesures susceptibles d’enrayer une hausse injustifiée.
Il demande en outre que les prix de ces différentes denrées soient affichés dans les principaux lieux de vente.
Il procède, également, à la création d’un office départemental des vivres qui a pour préoccupation : d’approvisionner le département des denrées de consommation qui y font défaut, par suite de leur raréfaction ou des difficultés de leur transport, et d’enrayer, en ce qui concerne ces denrées, la hausse persistante des prix.

Les difficultés en matière d’alimentation conduit la gendarmerie à enregistrer de nombreuses plaintes, pour vol d’aliments, comme le 23 janvier à Theuvy-Achères, où une personne s’est faîte voler 45 harengs qu’elle avait mis à dessaler dans la mare ; ou à dresser des procès-verbaux pour chasse en temps prohibé contre des chasseurs, qui comme à Digny, en mars, ont abattu un cerf.

AGRICULTURE

Dans l’agriculture, où les bras manquent encore un peu plus, la suspicion s’installe. pas de transport de céréales sur les routes sans un permis de circulation (17/02) ;

institution d’un carnet de battage obligatoire pour la prochaine récolte (26/05) ainsi :« Dès que la moisson sera faite, des entrepreneurs de battage seront mis dans chaque canton à la disposition des cultivateurs pour le battage des grains. Ces entrepreneurs devront établir un relevé du nombre d’hectolitres battus pour le compte de chaque particulier. Une copie de ce relevé sera remise au propriétaire et l’original envoyé au ministre du Ravitaillement, qui pourra de la sorte connaître le stock de la récolte annuelle » ;

interdiction formelle de couper le seigle en vert (9/06), « Ces céréales sont exclusivement réservées pour l’alimentation humaine » ;

Interdiction de distillation du cidre du 15/07 au 15/09/1918 : « on espère parvenir à réserver, pour la consommation directe, un million d’hectolitres de cidre qui auraient été absorbés par les alambics » ;

Déclaration, avant le 1er mai, des stocks de farine panifiable détenus par chacun.

En mai 1918, le conseil municipal de Chartainvilliers désigne trois de ses membres pour faire partie d’une commission municipale chargée de passer chez les cultivateurs acheter les bovins qui seront demandés par l’autorité militaire. En février 1918, il avait, dans le village, 29 personnes détenant 73 vaches.

Le même mois, les autorités invitent les cultivateurs et les entreprises de battage à « se précautionner d’urgence de quantités importantes de bois pour la campagne de battage 1918-1919 en vue de parer à l’insuffisance du charbon et de briquettes ».

Le prix maximum des céréales récoltées en 1918 et achetées par l’Etat est fixé à 75 frs le quintal pour le blé froment.
Pour aider à pallier la main d’œuvre déficiente, l’Etat a favorisé l’introduction de tracteurs. « La Sté de Coopérative de culture mécanique d’Eure-et-Loir informe les cultivateurs du département que des batteries de tracteurs de l’Etat sont et seront mises à sa disposition afin d’effectuer des travaux agricoles et tout particulièrement les travaux de moisson. »
A priori, aucun cultivateur de Chartainvilliers ne fera appel à ce service.
Pourtant, on constate un certain engouement, dans le département, pour la mécanisation agricole qui conduit à l’organisation d’une Semaine de la motoculture du 19 au 22/09/1918 à La Verrière.

Pour l’occasion, le train Paris-Chartres propose un arrêt à La Verrière. Les agriculteurs d’Eure-et-Loir sont fortement encouragés à suivre les démonstrations de matériels agricoles, les premières de ce genre organisées en France.

La main d’œuvre faisant défaut, en octobre, on note la présence, dans le village, d’une équipe « militaire » de battage à laquelle le conseil municipal prend en charge les repas avant affectation chez un cultivateur.
En effet, Il faut semer le blé mais aussi le récolter. Ainsi, un cultivateur n’avait récolté que le froment qui lui plaisait, en en laissant sur pied. Le maire de sa commune fit couper et battre le froment abandonné, puis le vendit. Il y eut un déficit de 79 frs qu’il réclama au cultivateur. Celui-ci refusa et argua devant le juge que le maire avait outrepassé ses droits. Mal lui en prit, le juge, se basant sur l’utilité d’ordre public de ne pas laisser perdre une récolte en temps de disette, a condamné je cultivateur à payer le déficit et les frais.

En ce qui concerne la réquisition des chevaux, qui ne pourront, pour raison sanitaire, rester chez leur propriétaire jusqu’à leur utilisation par l’armée, de nombreuses réclamations sont effectuer.
Ainsi, celle de cet habitant de La Loupe : « Voulez vous me permettre d’attirer l’attention de l’administration compétente sur ce qui me paraît être un abus dans la réquisition des chevaux de notre région.
La commission actuelle prétend en effet avoir le droit de vous reprendre des chevaux réformés de guerre achetés à la réforme de Chartres et remis en état par leur nouveau propriétaire.
Cela me paraît inadmissible ; vous achetez un cheval de réforme avec de gros risques à votre charge entière, vous le nourrissez et soignez pendant un certain temps sans rendement, et si vous réussissez à le remettre en état, on vous le reprend ! C’est donc une véritable duperie, et l’achat d’un cheval de réforme ne peut plus être fait que pour la boucherie !!!

Veuillez agréer, etc. ».

CIRCULATION

Compte tenu des restrictions en essence, depuis le début 1918, aucune voiture ne peut circuler sans une permission spéciale du Préfet.

Par ailleurs, à partir du 3 juin 1918, les départements du Calvados, de la Sarthe, de l’EURE-ET-LOIR, du Loiret, du Cher et de la Nièvre sont placés dans la zone des armées non réservée.

Lorsqu’ils veulent dépasser la limite du département et se rendre dans les localités situées dans les régions de la zone réservée jusqu’à la limite de démarcation incluse, ils doivent être munis d’un sauf conduit délivré par le maire ou le commissaire de police de leur résidence.

GUERRE

Le 28 février 1918, le sous-secrétaire d’Etat à l’aviation visite l’école d’aviation de Chartres. 10 avions escortent sa voiture depuis Ablis.

L’aviation a pris une place importante dans le conflit militaire. A chartres, un centre d’instruction existe. Et l’on peut constater régulièrement des articles de presse relatant les nombreux accidents dont les pilotes en formation sont victimes.

Un autre aspect de la guerre est la présence de nombreux réfugiés en Eure-et-Loir. Le 11 mai 1918, ils en arrivent 1 200 évacués de la région Nord à la gare de Chartres. Ils ont été ravitaillés par les soins de Mme PITOIS et de son service habituel. Ces évacués seront répartis dans différentes communes du département.

A cette fin, le Conseil municipal de Chartainvilliers, conformément à la loi du 15 avril 1918, désigne le 12 mai, une commission pour assurer le logement aux réfugiés dans les maisons inhabitées.

On comptera 29 797 réfugiés recensés en Eure-et-Loir à fin 1918, qui viennent, notamment, de l’Aisne (5 815), du Pas-de-Calais (3 514), de Belgique (3 377), du Nord (2 610), de la Somme (1 635),…

SANTE

Au moment où la grippe espagnole se développe en Europe après avoir frappé les Etats-Unis, les journaux publient des recommandations :

« Précaution pour éviter la diffusion de la grippe
Le Conseil Départemental d’Hygiène édicte des précautions à prendre pour éviter la diffusion de la grippe.
L’épidémie de grippe peut être atténuée dans son extension et ses effets par de simples précautions.
Eviter tout surmenage, de quelque nature qu’il soit, le surmenage préparant le terrain.
Le surpeuplement des ateliers, des lieux de réunion, en condensant les espaces trop restreints, les déchets respiratoires, crée des milieux favorables à l’augmentation de virulence de contage.
Tout malade doit être éloigné de l’atelier ou de la classe.
Tout malade appartenant à une famille nombreuse et habitant un logement où le renouvellement de l’air sera mal assuré est engagé à se présenter à la consultation (hôpital mixte à Chartres).
Dès les premières atteintes annoncées par les maux de tête, la courbature, les douleurs de reins, le mal de gorge, il est indiqué de se mettre à l’abri de tout refroidissement.
Les mesures préventives consisteront à prendre un cachet de quinine, à rechercher l’antisepsie des fosses nasales, de la gorge et de la bouche par des moyens appropriés. »
Cette grippe est originaire probablement de Chine et la mutation du virus se serait produite au Kansas. Le virus a ensuite gagné rapidement tous les Etats-Unis, où il aurait muté pour devenir plus mortel. Cette nouvelle souche est trente fois plus mortelle que les grippes communes. Elle devint une pandémie,  lorsqu’elle passa des États-Unis à l’Europe, puis dans le monde entier par les échanges entre les métropoles européennes et leurs colonies .

Elle fit environ 200 000 morts en France, mais la censure de guerre en limita l’écho.

Cet environnement de guerre et de tragédies, n’empêche néanmoins, parfois, l’humour ou l’ironie de poindre.

Ainsi cet article, paru le 11 août 1918 dans le Journal de Chartres :

« Moral parfait à l’Hôpital
A l’hôpital du Grand-Séminaire (Carmel) – Le moral est parfait. Cependant :
Nos glorieux invalides seraient plus heureux s’ils pouvaient disposer de quelques paires de béquilles en plus pour faire leur tour de jardin.
Nos manillards trouveraient le temps moins long s’ils possédaient un plus grand nombre de jeux de cartes pour charmer leurs loisirs. Ceux de 1914 sont usés.
Nos petits tempéraments prendraient volontiers parfois leur tilleul, s’il n’y avait pas pénurie.
Nous sommes heureux d’informer toutes les personnes qui s’intéressent à nous que… à part cela et la vie chère… tout va bien à l’hôpital. »

SOCIETE
Les femmes, sur lesquelles repose une part importante de l’effort de Guerre, sont régulièrement mises à l’honneur, tout particulièrement les cultivatrices.

Le 8 juin 1918, au théâtre de Chartres, un hommage est rendu aux cultivatrices du département, et des récompenses leurs sont remises, M. Deschanel, député de Nogent-le-Rotrou et Président de la Chambre, a déclaré :
« …En cette heure de l’Histoire, la femme française a été sublime de dévouement et de courage.
… La femme française, en donnant les siens, s’est donnée elle-même, sous toutes les formes. Au sillon, à l’usine, à l’hôpital, à l’ambulance, à l’école, aux œuvres de guerre, elle a poussé jusqu’aux extrêmes limites l’esprit d’abnégation et de sacrifice. Partout où elle a pu remplacer l’homme absent, même dans les services publics, elle l’a fait, merveilleuse de souplesse et d’endurance, et en s’imposant des devoirs nouveaux, elle s’est créé des droits, que rien désormais ne pourra prescrire. »

En février, un congé (sans solde) de durée égale à la permission de leur mari a été accordé aux femmes mariées.
Toutefois, à Chartainvilliers, l’institutrice remplaçante semble causer des difficultés. Aussi, le 1er septembre 1918, par 7 voix contre une, l’adjoint au Maire « expose au Conseil en raison des difficultés continuelles qu’occasionne l’institutrice intérimaire à la population et à la municipalité et également à cause de faits et d’attitude particulièrement déplacés, il y a lieu de proposer le remplacement de cette institutrice.

Après explications très complètes, le conseil décide à la suite d’un vote qu’il y a lieu de proposer son remplacement. »

L’Inspection Académique ne donnera pas suite à cette demande. Dans le rapport d’inspection de mai 1919, suivant la reprise de l’instituteur, mobilisé durant la guerre, titulaire du poste, il est précisé que : « M. Foucault, instituteur démobilisé, n’a repris son service que le 2 mai et n’a pas eu le temps d’exercer une influence sensible sur la marche de la classe [où 39 élèves sont inscrits], que M. Foucault le reconnait, l’institutrice intérimaire avait laissée en bonne voie.
D’ailleurs le Conseil municipal continuera à verser à l’enseignante intérimaire son indemnité mensuelle de logement de 11 frs, puis lui louera, pour 20 frs, à compter de novembre 1918, un logement chez Mme Blondeau, domiciliée rue de l’école (actuelle rue de la Mairie).

Le 9 mars, le passage à l’heure d’été permettra, selon la presse, de réaliser pour l’année une économie de 500 000 tonnes de charbon. Le retour à l’heure « normale » se fera le 6 octobre 1918.
Au mois de juin, à Maintenon, le cinéma Lezin, propose de regarder différents films, dont : Judex (1er épisode) ; Charlo dans le jeu de l’amour (comique) ; le joueur d’orgue (grand drame) ;…
Par contre, « A la suite de plaintes adressées par les familles contre certains débits de boissons où des jeunes gens et des jeunes filles se livrent aux danses au son de la musique, le maire de Maintenon (prend) un arrêté interdisant les danses et l’usage de tous les instruments de musique dans tous les débits de boissons. »

Anticipant le bombardement de Chartres le 15 août 1918, au Journal Officiel du 21 juin, on peut lire :  « Est autorisée, sur sa demande, à pratiquer les assurances contre les risques matériels et corporels résultant de bombardements par engins aériens et par canon à longue portée, dans les termes de la loi du 31 mars 1918 et dans les conditions et aux taux maxima de primes réglementaires : La société française d’assurances mutuelles contre les accidents « Les Travailleurs Français », rue Régnier, à Chartres. »

En juillet 1918, le Conseil municipal de Chartainvilliers, accorde à M. REGNIER, locataire du presbytère, qui n’est plus mobilisable, 15% de rabais sur les 4 années de location qu’il reste devoir. Toutefois, le Conseil décide également qu’il devra payer intégralement le montant des impôts.

Le même mois (06), c’est la création des chèques postaux, d’abord présents dans 6 grandes villes.
Le 5 août, M. le Ministre de l’Intérieur accorde la Médaille d’honneur trentenaire des sapeurs-pompiers au sergent Maugars de la subdivision de Chartainvilliers.
Malgré la Guerre, et ses difficultés économiques, de nombreux actes de probité sont signalés, comme celui de « Marguerite Fontaine qui a trouvé à Jouy, sur la voie publique, un portefeuille renfermant des papiers de valeur et une somme assez importante ; elle s’est empressée de le déposer à la mairie où quelques jours plus après il fut remis à son possesseur. »

A partir du 20 Octobre est lancé par l’État le quatrième Emprunt de la Défense nationale, appelé Emprunt de la victoire, et donnant un revenu net de 5,65%. Au 17e jour de souscription : 36 355 800 francs sont collectés en Eure et Loir.

En décembre 1918, le Conseil municipal décide, une nouvelle fois, vu la mobilisation des jeunes classes qui fréquentaient le cours d’adultes et l’importance des travaux de la campagne, qu’il ne sera pas fait de cours d’adultes pendant l’hiver 1918-1919

« L’application de la loi du 31 mars 1903, relative aux subventions à accorder par l’Etat sur les fonds du Pari mutuel aux travaux d’alimentation des communes en eau potable, n’a donné lieu, en 1918, qu’à l’examen d’une seule affaire, relative au règlement des travaux de la commune de Chartainvilliers. » Mais, Il ne sera versé, par l’Etat, aucune subvention.

Des travaux d’assainissement aux abords et dans le périmètre de la source de la Hutte, commune de Senonches, ont été exécutés par les troupes forestières canadiennes, en échange de fourniture d’eau et sans donner lieu à paiement de dépenses.

LES MORTS  DE CHARTAINVILLIERS  en  1918  

CHEVALLIER Denis Lucien Eugène, né le 07/10/1897 à Chartainvilliers,
Matricule 709 Dreux 1917 [19220], Soldat au 112e Régiment d’Infanterie, Tué à l’ennemi, Mort pour la France le 11/08/1918 à Guyencourt (Somme)

Incorporé 04/09/1916,
[Ouvrier maçon au recensement militaire]
« Le 10 août [1918] à 4h30, après une nuit de veille et de privations passée sous des rafales incessantes d’artillerie, le régiment reçoit l’ordre de se rassembler à la hauteur de Bouchoir… L’objectif de ce jour est le bois Z, au bord de la route de Roye. …
Le 11 août [1918], à 2h50, l’ordre d’attaque du bois Z arrive au P.C. du colonel. L’heure est fixée à 4h30. Un bataillon du 173e R.I. doit se porter à la hauteur des bataillons de premières lignes du 112e. Ceux-ci doivent attaquer le bois sous la protection d’un barrage roulant de 75m/m ; …
A l’heure H, le barrage se déclenche et les compagnies partent à l’assaut, …
La compagnie Davignon (3e compagnie) prend pied dans le bois avec les sections Ebano et Sénot, dont l’action est vigoureusement soutenue par les mitrailleuses du sous-lieutenant Védrines.
Le capitaine Cazalis enlève son unité (1re compagnie) et est blessé aussitôt. Mais l’élan est donné et la compagnie occupe les tranchées d la lisière du bois, entraînée par le sous-lieutenant Bucher et Goavec.
L’ennemi contre-attaque aussitôt la 3e compagnie, venant de la direction de Goyencourt ; les mitrailleuses de Védrines arrêtent son élan ; … ; d’autres sont clouées sur place par la section de mitrailleuses du sous-lieutenant Cortez.
…, l’ennemi réussit à s’infiltrer par le ravin au Nord du bois Z dont il oblige la garnison, menacée d’encerclement, à se replier. Ce mouvement de repli s’effectue sous la protection des mitrailleuses du lieutenant Décugis qui brisent l’effort ennemi.

Le III-112e, à droite, progresse jusqu’à 150 mètres de la lisière Sud du bois Z, mais il se heurte à une défense opiniâtre, tir de barrage, tirs de mitrailleuses venant du bois Z, du bois Gralny et des tranchées situées entre ces deux points d’appui.
Bravant la mitraille et méprisant toutes les pertes, la section du sous-lieutenant Rémond (11e compagnie), celle de l’adjudant Tracol (10e compagnie), la section de mitrailleuses du sous-lieutenant Lespagnol, s’acharnent à progresser jusqu’à l’extrême limite. Mais aucun élément ne réussit à pénétrer dans le bois. Les Britanniques qui, de leur côté, avaient réussi, dans la matinée, à se rapprocher de Damery et dont un peloton de cavalerie canadienne s’était superbement sacrifié en chargeant dans l’après-midi, les mitrailleuses du bois Z, se replient en deçà de la ligne atteinte par le I-112e ; mais nos bataillons tiennent ferme, s’organisant sur le terrain conquis et cherchant à filtrer à travers les boyaux pour encercler le bois, où les observateurs signalent que l’ennemi se renforce.

A 17h30, une nouvelle attaque permet de progresser encore. Mais l’élan de la troupe, officiers et gradés en tête, est impuissant contre les mitrailleuses trop bien dissimulées et fortifiées que l’artillerie ne peut écraser. Les compagnies des I et III-112e stoppent dans la dernière ligne de tranchées qui couvre le bois. Elles repoussent, à 20h30, une forte contre-attaque ennemie. Mais la nuit tombe sur le champ de bataille ; l’action se ralentit et se calme de part et d’autre. Les bataillons s’organisent sur place et se ravitaillent, tout en préparant la reprise de l’opération interrompue.
Au cours de cette journée, le régiment avait fait 41 prisonniers et capturés 6 mitrailleuses légères.
Dans la nuit du 11 au 12 août [1918], la 126e D. I. est relevée par la 47e et le 112e par le 52e B. C. P.
Les pertes du 8 au 12 août témoignent de l’acharnement de la lutte. Quatre officiers furent tués à la tête de leurs sections : …. ; 13 furent blessés, parmi lesquels le capitaine Maigrot, qui mourut quelques jours plus tards à l’ambulance,… ; la troupe compta 82 tués, 548 blessés, 15 intoxiqués.
Le régiment s’était admirablement comporté sous le feu et avait manœuvré avec une souplesse remarquable. Chaque unité, chaque individualité fit tout son devoir.
Du 12 août au 15 août, le 112e cantonna à Hangest en Santerre, dans les ruines des maisons construites en pisé et en torchis, sur lesquelles s’acharnaient encore les avions ennemis recherchant, la nuit, les batteries françaises. … »
Source : « La Fourragère Jaune et Verte du 112ème » par Pierre MèDAN,dans  gallica.bnf.fr

CERSAULT Octave Marie, né le 15/04/1897 à Chartainvilliers, Matricule 706 Dreux 1917 [14502], Soldat au 59e Régiment d’Infanterie, Blessure de Guerre, Mort pour la France le 27/08/1918 à l’Ambulance 1/86 sect. Post. 234.427 Cempuis (Oise)
Intoxiqué par obus à gaz le 25/05/1918 à Lihons (Somme)
Citation : cité à l’ordre du Régiment n°300 le 28/05/1918 « soldat très courageux et très brave a fait preuve du plus magnifique sang-froid au cours de différents bombardements. S’est distingué par son entrain dans la contre-attaque le… dans le secteur de combat du Mont-… »
Décorations : Croix de Guerre
Campagne contre l’Allemagne du 3/09/1915 au 27/08/1918
[Ouvrier maçon au recensement militaire]
« … 25 mai : journée très calme : quelques rafales de mitrailleuses, activité de l’artillerie et de l’aviation.
Nuit calme.
26 mai : L’ennemi a tenté un coup de main par surprise, sur nos lignes à la traversée du ravin … Coup de main qui a échoué (nuit du 26 au 27 mai).
Vers 23h30, déclenchement brusque d’un tir violent par obus toxiques sur nos batteries.
En même temps, une reconnaissance boche d’une dizaine d’hommes est aperçue à proximité de notre ancienne première ligne.
Le feu est ouvert, l’ennemi se replie.

A 1h15 Rafales de minen brusque et violente sur les lignes et en arrières.
Au même instant, un détachement boche d’une cinquantaine d’hommes se précipite sur notre ancienne ligne en hurlant … comme des forcenés.
Le barrage est demandé par tous les moyens,… le(s) mitrailleuses ouvrent le feu sur le ravin, les boches regagnent leur ligne.
A partir de ce moment et jusqu’au jour tir de minen et d’obus de tous calibres.
Au jour, le calme est rétabli.
Perte 1 tué et 7 blessés.
L’attaque sur le 59e semble n’être qu’une diversion à une plus grosse affaire. »
Source : Journal des Marches et Opérations du 59e Régiment d’Infanterie du 22/09/1917 au 22/07/1919.  www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr

BENOIST Jean Philippe Charles, né le 08/02/1887 à Chartainvilliers, Matricule 6 Dreux 1907 [C0546], Maître-Pointeur au 176e Régiment d’Artillerie de Tranchées, Tué à l’ennemi, Mort pour la France le 10/11/1918 à l’Hôpital Complémentaire n°41 à St-Dizier (Hte-Marne)
[cultivateur au recensement militaire]
Sources : Archives communales – Mairie de Chartainvilliers  /  L’Eure-et-Loir Pendant la Première Guerre Mondiale par  JC Farcy  /  CDDP d’Eure et Loir 4e trim 1981  /  “Quatre ans de conflit en vingt dates” par Antoine Fouchet  /  dans Dossier La Croix du 4/01/2014  /  Conseil général d’Eure-et-Loir – 2e session ordinaire de 1919  /  1914-1918 Le Front de l’intérieur L’Eure-et-Loir dans la guerre – Cgal28  2014  /  Journal de Chartres – Archives Dales d’Eure-et-Loir site internet  /  Le Progrès – Archives Dales d’Eure-et-Loir site internet  /  HD n°22543 du 25/10/2018 « 30 octobre 1918, l’armistice de Moudros »  /  www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr  /  gallica.bnf.fr

1919-1921 : L’APRES-GUERRE

RETOUR DES POILUS

A Chartainvilliers, au 11 Novembre 1918, ils sont encore 38 sous les drapeaux.

Trois rentreront avant noël 1918, 28 durant l’année 1919 et 3 attendront la fin de leur service militaire pour rentrer durant l’année 1920. Les deux derniers, DAIGNEAU Marcel et DELAPORTE Aristide, rejoindront leur famille au mois de juin 1920.
Le Maire, M. TOUCHARD, démobilisé le 24 janvier 1919, revient présider les séances du Conseil municipal à compter du mois de février. C’est lui qui sera informé du dernier soldat mort, dont le nom figure sur le monument de la commune : LOCHON Mary Armand, né le 28/03/1884 à Chartainvilliers, Matricule 62 Dreux 1904, Soldat de 2e classe au (1er Régiment du Génie à Versailles) – Décédé le 26/01/1919.

Le curé de Saint-Piat, M. ROBION, démobilisé, desservant de Chartainvilliers, vient prendre les clés du presbytère le 20 février 1919. Il bénéficiera d’une réduction sur son loyer.

Le 27 février 1919, c’est au tour de l’instituteur, M. FOUCAULT, d’être démobilisé. Il ne reprendra sa classe que le 2 mai. Dans un rapport du 6 mai 1919, l’inspecteur primaire, note : « M. Foucault … n’a pas (encore) eu le temps d’exercer une influence sensible sur la marche de la classe, que M. Foucault le reconnait, l’institutrice intérimaire avait laissée en bonne voie … Foucault m’a paru reprendre ses fonctions avec plaisir, sa classe est préparée par écrit, les corrections de devoirs sont à jour… ».

La classe, où sont accueillis les 39 élèves du village, n’a fait l’objet d’aucuns travaux depuis sa construction en 1902. Le Conseil municipal, de février 1919, décide de remettre au printemps 1920 les peintures de la Mairie-Ecole “mais demande qu’un lessivage d’hygiène soit exécuté dans les plus brefs délais” (CM 08/09/1919).

Les trois « notables » retrouvent un village où les femmes ont fait une part importante des travaux  agricoles et de la vie quotidienne. Ils peuvent y croiser l’une des 70 vaches qui paissent encore dans les prés de la commune.

En allant au marché de Chartres, ils peuvent également constater l’importante inflation qui sévit depuis 1914. Les prix ont été multipliés par 2,53 fois entre 1914 et 1919, notamment sur les produis du quotidien : le beurre (x4,18), la douzaine d’œufs (x3,90), un litre de lait (x 2,56), un poulet (x3,51), le kg de viande de porc (x3,91) ou le kg de viande de mouton (x3,75).
Toutefois, comme le mentionne, le 7 février 1919, dans un rapport le sous-préfet de Dreux, : « …A la campagne chacun retrouve son travail et s’il n’est pas patron, le démobilisé trouve facilement une place. … Le cultivateur ne se ressent guère de la hausse constante du coût de la vie, il vit sur sa ferme et ne se prive de rien. S’il subit la hausse des instruments aratoires qu’il est obligé de remplacer, son exploitation lui laisse de larges profits.
A ce point de vue, j’ai tenu à me renseigner. Les chiffres de dépôts effectués à la Caisse d’Epargne de Dreux pendant le mois de janvier 1919 est, tout à fait significatif, ils s’élèvent à la somme de 798 197 frs. Ces dépôts proviennent uniquement de la petite culture, les gros cultivateurs ayant des comptes dans les banques. Aussi est-il inutile d’ajouter qu’à la campagne on ne se plaint pas du coût de la vie et que l’état d’esprit des cultivateurs est excellent … ». (AD28 M 301)

LE TRAITE DE VERSAILLES

Le 28 juin 1919, jour anniversaire de l’attentat de Sarajevo, se déroule, dans la Galerie des Glaces du Château de Versailles, la signature du traité de Versailles entre les alliés, dont la France, et l’Allemagne.
L’Allemagne est amputée de 10% de son territoire, dont l’Alsace-Lorraine restituées à la France.
Elle se voit imposer de lourdes réparations économiques., 226 milliards de marks-or de dommages dus par l’Allemagne, dont 132 milliards à la France et à la Belgique. Ce dernier montant représente 47 312 tonnes d’or.

Alors qu’à Paris, le 14 juillet 1919, est organisé un défilé de la Victoire qui rassemble plus de 2 millions de personnes, à Chartainvilliers les festivités sont plus mesurées.
“Mr le Maire expose aux Membres présents qu’il y a lieu de prendre des dispositions au sujet du 14 Juillet.
Cette année, cette date est doublement mémorable, puisque, en même temps que fête de la Nation, ce fut le jour choisi pour rendre un juste hommage à nos troupes victorieuses, aux héroïques défenseurs de notre sol.
Toutefois, Mr le Maire rappelle que ce jour de fête ne fait pas oublier les deuils qui ont frappé si cruellement notre pays, et se faisant l’interprète du Conseil, il prie les familles éplorées d’agréer l’expression de ses condoléances attristées”. (CM 07/07/1919)
Il est décidé, comme par le passé, de fêter ce jour mémorable avec toute la population, et de glorifier « nos mobilisés » en leur offrant la place au banquet.

LA GUERRE TOUJOURS PRESENTE

En septembre 1919, le Conseil municipal souhaite l’érection d’un Monument des Morts pour la Patrie dans le cimetière.

La Guerre reste néanmoins présente. Suite à une Loi du 25 juin 1919, et à une requête auprès du procureur de la République de Saint-Mihiel (Meuse) en vue de faire déclarer judiciairement son décès, le soldat GUIARD Paul, soldat au 102e régiment d’infanterie, domicilié à Chartainvilliers (Eure-et-Loir), est reconnu disparu à Margny-aux-Cerises (Oise), le 26 septembre 1914 (JO du 08/06/1920).

De même le 25/01/1921, l’Etat-Civil de la commune enregistre, après un jugement du Tribunal de Chartres, la retranscription du décès du soldat : DROUARD Gustave, 2e classe, 315e Régiment d’Infanterie, Mort pour la France le 25 septembre 1915 à Auberives (Marne). Son nom ne figure pas sur le Monument aux Morts de la commune, mais sur celui de Jouy.

En Eure-et-Loir, en décembre 1919, on dénombre 5 798 tués ou disparus, 260 mutilés ayant quitté la culture, 813 mutilés revenus à la terre, 155 511 démobilisés revenus à la culture, 779 démobilisés ayant quitté la culture, 79 non mobilisés ayant quitté la culture et 74 non-mobilisés venus à la culture. Source : Enquête sur les vides causés par la guerre parmi les agriculteurs (décembre 1919).

Le 30 décembre 1919, une loi sur le lancement d’un nouvel emprunt – dit de la reconstruction au taux de 5 %, remboursable en 60 ans est votée. Rappelons qu’en 1920 l’inflation sera de 39,5%.

 

11 Novembre 1920 : Une plaque de marbre à l’église

Le 5 novembre 1920, le conseil municipal déclare approuver le plan du Monument aux Morts de la commune.

Dans l’attente de son érection, le 11 Novembre 1920, les habitants de Chartainvilliers célébreront « la Fête du Cinquantenaire de la République, Jour du glorieux anniversaire qui a consacré la victoire de nos armées … Fête aussi consacrée à honorer les héros morts pour la Patrie ».

Pour donner toute l’ampleur désirable à cette fête du 11 Novembre, le Conseil municipal, en accord avec le Bureau de Bienfaisance, alloue pour ce jour aux indigents une distribution de pain et de viande.
Le 11 Novembre, le conseil municipal, les mutilés, les mobilisés, ainsi que la Compagnie des Sapeurs-pompiers, sont réunis et se rendent en corps constitué à l’église pour l’inauguration d’une plaque de marbre, souvenir commémoratif en l’honneur des enfants du pays morts pour la France.
Un lunch est offert à tous les mobilisés, avant que la journée se clôture le soir, par des illuminations et un bal.

Ce 11 Novembre 1920, à Paris, on transfert le cœur de Léon Gambetta au Panthéon et l’on procède  à l’inhumation du Soldat inconnu sous l’Arc de Triomphe de l’Etoile.

En décembre 1920, « Mr le Maire émet au Conseil le vœu d’offrir à tous les morts de la grande guerre que l’on ramène du front une concession individuelle à perpétuité.
A l’unanimité le Conseil se fait un devoir de donner dans le cimetière une concession perpétuelle et individuelle à chaque enfant du pays, Mort pour la France ». Cette disposition sera refusée par la Préfecture.

Le plan du Monument aux Morts, lui, subira les foudres de la Commission spéciale chargée à la Préfecture du suivi des monuments édifiés qui enjoindra la commune de déplacer la palme qui figure sur l’édifice (voir plan d’origine ci-contre).

Au final, « suivant l’avis de la majorité de la population … le monument (sera) érigé près de l’église sur une place communale où il sera toujours visible pour rappeler à tous la mémoire des chers disparus ».
Le Monument est réalisé par l’entreprise Guilvard de Maintenon. Le financement des 3 902 F. nécessaires est assuré par une contribution de la Commune à hauteur de 2 500 F. et d’une quête à domicile des habitants pour 1 410 F, à laquelle la Compagnie des Sapeurs-pompiers verse 40 F. et la société de Tir « La Patriote » 25 F. L’Etat allouera, en 1923, une subvention « de 375 F. qui permettront financement de quelques travaux non prévus au devis ».

6 Novembre 1921 : Inauguration du Monument aux Morts

L’inauguration du monument des Morts de la Grande Guerre a lieu le 6 Novembre 1921.

« Chartainvilliers. – Hommages aux glorieux morts. – Le Monument aux Morts de la guerre a été inauguré dimanche dans la plus stricte intimité, sous la présidence de M. Langlois R., adjoint.
A 14h15 le cortège s’est formé à la Mairie ; Compagnie de sapeurs-pompiers, les enfants de l’école portant dans leurs bras de superbes bouquets de fleurs, puis la Municipalité, les membres du Bureau de Bienfaisance et les membres de la Société de tir.
Devant le Monument, la compagnie de sapeurs-pompiers rendait les honneurs, et le lieutenant de la compagnie procéda à l’appel des 20 héros morts pour la Patrie. Une énorme gerbe de fleurs offerte par la population a été déposée au pied du Monument. Toute la population endeuillée assistait à la cérémonie qui s’est déroulée dans un profond recueillement. Deux discours, prononcés l’un par l’adjoint, l’autre par le Président de la Société de Tir ont rappelé les souffrances des héros et adressés aux familles dans la douleur, l’expression de leurs condoléances attristées ». (AD28 « La Dépêche » du 09/11/1921)

Le lendemain de cette inauguration, le 7 novembre 1921, s’ouvre, à la Cour d’Assises de Versailles le procès de LANDRU qui sera condamné à la guillotine, pour 11 meurtres, le 30 novembre 1921.

La douleur locale des familles touchée par les deuils de la guerre n’empêche pas le Conseil municipal du moment d’être solidaire avec les communes dont le territoire a été éprouvé directement par les combats.
Aussi, en juillet 1921, il alloue, comme d’autres communes du canton, à la commune de GENTELLES, dans la Somme, pendant 20 ans à partir de 1921, une somme annuelle de cent vingt francs, soit un total de 2 400 F, pour sa reconstruction.

04/12/1921 : Changement de Maire

Suite à une élection municipale partielle, le Conseil municipal se donne, le 4 décembre 1921, un nouveau Maire, M. LANGLOIS et un nouvel Adjoint, M. CHESNEAU.
Le même jour, il « décide d’acheter une écharpe de façon qu’elle soit toujours à la Mairie selon les besoins de l’administration municipale ».
Il décide également « l’installation de rideaux aux fenêtres de la salle de classe pour protéger contre les rayons solaires ».

Après le déluge de la Grande Guerre, le soleil se lève toujours à l’Est…et les « années Folles » s’annoncent déjà …

Une version complétée des années 1919-1921 : 1919_1921 Chartain 14 18_SpecialVdFlongue