Madame de Maintenon

“Madame de Maintenon était propriétaire [depuis 1687/1688) des deux fermes de Chartainvilliers. C’est elle qui fit creuser les deux puits communaux et construire [l]’église, qui porte la date de 1691 et l’écusson de cette dernière. » Source : Conseil Municipal de  Chartainvilliers séance du 12/03/1863

 

1691 : Reconstruction de l’église de Chartainvilliers par Mme de Maintenon

… Cette grande entreprise de l’aqueduc amena souvent le roi à Maintenon. On sait que madame de Maintenon y résidait peu, et n’y pouvait faire que des séjours momentanés ; elle s’en occupait néanmoins avec intérêt, et elle y fit beaucoup de bien : « Mes principales obligations, écrivait-elle, sont à présent à Maintenon. » Elle obtient pour cette petite ville le rétablissement et l’augmentation des foires et marchés (a); elle fonda des écoles et un hôpital (b). Elle fit reconstruire sur son terrain, et entièrement à ses frais, l’église et le presbytère qui étaient en ruine (c), de même que l’église et les presbytères de deux villages voisins (d). Elle fit venir en outre des Normands et des Flamands, et apprendre aux habitants à travailler en toiles, sans parler de tous les autres secours qu’elle distribuait abondamment aux pauvres, aux vieillards et aux enfants…

(a) Lettres patentes de 1686 (archives de Maintenon) ;
(b) « Le Père Chavrand, écrivit-elle, est à Maintenon pour y établir un hôpital général. Je me suis lassée d’y donner beaucoup et d’entendre toujours crier qu’on y meurt de faim. Je verrai au moins clair à leur dépense. » (Lettre à M. d’Aubigné, du 9 juin 1685). Cet hôpital fut remplacé en 1731 par un autre plus considérable, dans un autre endroit de la ville, que le Maréchal de Noailles fonda et construisit. [Hôpital dont le partage des revenus fera l’objet d’un contentieux juridique entre Maintenon, Chartainvilliers et Villiers-le-Morhier];
(c) Le 24 juin 1694, décret de la dédicace procédant à la consécration de l’église Saint-Pierre de Maintenon, bâtie, construite et ornée depuis peu par les soins de la très haute, très puissante et très pieuse dame Françoise d’Aubigné, marquise de Maintenon, avec indulgence d’une année à tous les fidèles qui la visiteront ce même jour, et de quarante jours à ceux qui la visiteront lejour de la dédicace. (Arch. de Maintenon.);
(d) Reconstruction à neuf de l’église de Chartainvilliers en 1691. Acte de reconnaissance des habitants, des vases et ornements, donnés par madame de Maintenon. Idem pour le village de Pierres (Arch. De Maintenon).
Source : Histoire de Madame de Maintenon et des principaux événements du règne de Louis XIV par M. le Duc de Noailles de l’Académie Française tome 2, 1849. P.96-97

Chartainvilliers sur la cloche
L’inscription de la cloche de la chapelle de Boigneville, dans les environs de Gallardon. C’est la nomenclature très-exacte des villes, villages et hameaux dont Mme de Maintenon était en possession :
L’AN 1690, J’AY ÉTÉ FAITE PAR L’ORDRE DE TRÈS HAUTE ET TRÈS PUISSANTE DAME MADAME FRANÇOISE D’AUBIGNÉ MARQUISE DE MAINTENON, DAME DU PARC, PIERRES, TENEUSK, LE BOIS RICHEUX, SAINT-PIAT, GROGNEUL, CHANGÉ, CHARTAINVILLERS, BOIGNEVILLE, YERMENONVILLE ET AUTRES LIEUX. — DENYS MOUSSET M. F. ».
Quelle différence entre cette longue énumération, si peu à sa place, des titres et qualités d’une célèbre et puissante dame
Source : Étude sur les cloches : lettre à M. Didron, directeur des “Annales archéologiques” / par Claude Sauvageot -V. Didron (Paris)-1863 _ Gallica_BNF

1706 : LE MAI DE 1706 A MAINTENON
Rendre hommage à la Marquise en violant ses lois…
MAI n. m.: En ancien français, mai, nom du cinquième mois, était employé par métonymie pour désigner les branches vertes qui poussent en mai (XIIe s.), et le jeune arbre planté en signe de fête le premier mai devant la porte d’une personne que l’on veut honorer (XVIe s.), d’où la locution de sens figuré planter le mai à quelqu’un “le fêter, le gâter” (aussi par dérision, 1532). ? Le mot, qui symbolisait le plus beau mois de l’année (1210) en opposition avec février symbole de l’hiver, entrait dans plusieurs locutions avec une idée de bonheur, de prospérité comme avoir bon mai (XIIe-XIIIe s.). On l’appelle encore plaisamment le joli mois de mai (expression attestée en 1690). Ces valeurs ont décliné, sauf dans les dialectes, avec l’abandon des coutumes correspondantes.
Après ces rappels, voilà, ci-après, la relation d’un mai mouvementé de l’an 1706.

Souvent les archives judiciaires nous font saisir sur le vif des manifestations de la vie sociale d’une façon aussi concrète qu’un ethnologue qui aurait voulu nous décrire ce dont il a été le témoin.
Pierre Edme Boucher, licencié ès lois, avocat au Parlement, bailli, juge civil, criminel et de police de la ville de Maintenon, nous retrace par le menu les incidents survenus à l’occasion de l’abattage de l’arbre qui sera placé comme mai, en 1706, « devant la porte et principale entrée du chasteau” de Madame de Maintenon, en signe d’hommage.
De nombreux garçons, fidèles à la tradition, s’étaient donné rendez-vous dans un bois à l’extérieur de la ville le trente avril au matin. Une fois abattu, l’arbre avait été placé sur une charrette pour être apporté à Maintenon par Changé.
A cet endroit, plusieurs quittèrent le cortège, s’arrêtèrent chez Gandon pour se rafraîchir et de là prirent à nouveau la clef des champs avec leurs fusils et leurs chiens. Garçons notables du Marquisat, âgés de 20 à 28 ans, ils étaient :
procureurs : Philippe Fauveau et Pierre Corbières ;
praticien : Mathieu Desfèves ;
marchand : Charles Boullanger ;
arpenteur : Philippe Fauveau, fils de Gilles ;
et commis au greffe du baillage : Joseph Ragoulleau.
Leurs premières pièces de gibier furent tirées dans le parc du château de Grogneul; la clôture n’avait-elle pas des brèches? et François Lallier, le concierge, ne demandait qu’un lièvre pour fermer les yeux. Arpentant la plaine, ils traversèrent la garenne de Saint-Piat d’où ils remontèrent vers Chartainvilliers où « ils burent un coup » chez Michel Lefeuvre dit Fidélion. Le retour se fit par les terrasses de l’aqueduc et le fils de Fauvé les introduisit dans la garenne de la Folie où ils chassèrent à l’affût.
Claude Boitel, cabaretier à Maintenon, fut leur traiteur pour le dimanche suivant, avec deux lièvres et quatre perdrix. Ce soir du 30 avril, il fournissait à notre joyeuse équipée « poissons, marmites, chaudrons et autres instruments de cette nature » pour un charivari dans les rues et carrefours — que voulez-vous, ils voulurent donner une aubade aux dames et demoiselles de cette ville, mais n’avaient ni violons, ni tambours!
Chasser illégalement sur les terres de Madame de Maintenon, avec l’autorisation des officiers de ladite Dame, excéda Antoine Orillac, un des gardes-chasse qui n’eut pas de mal à les surprendre dans les aulnaies de Chimay. Il y eut procès en règle, avec information, interrogatoire… Dans les 15 jours, le juge Boucher condamna nommément Boullanger le marchand.., et ses complices qu’il évite de désigner, sans doute parce qu’ils appartiennent au même corps que lui. On insista plus sur le charivari que sur le délit de chasse, mais il fallait sans doute mettre fin à un passe-droit dont nos lurons avaient peut-être abusé cette année-là. La Marquise sut être grande dame puisque remise fut faite des amendes, dommages et intérêts; ils en furent pour les frais 75 livres, avec l’injonction formelle de ne se servir de leur fusil, le 1er mai, que « pour aller saluer ladite Dame lorsque le mai serait planté ».

Le mai à Maintenon, avant la Révolution, était donc offert en signe de déférence à un notable. La tradition d’offrir un mai s’est poursuivie dans le temps, plus particulièrement sous la forme du mai amoureux. Il s’agissait, pour les jeunes gens (cette coutume tend à disparaître) d’aller nuitamment accrocher, devant la maison où habitait une jeune fille à marier, un mai qui pouvait être la tête d’un bouleau enrubanné — c’était l’usage dans la région de Maintenon — ou, parfois une botte de lilas — dans le Drouais par exemple —. La famille de la jeune fille invitait alors les garçons à boire, le jour ou le dimanche suivant.
Le rite du mai était une manifestation sensible du renouveau de la nature; une branche d’arbre, pleine de sève, exprimait la végétation renaissante. Entre les deux guerres, on semble avoir attaché beaucoup d’importance aux fanfreluches de papier dont on enrobait la branche d’arbre; la manifestation en faveur de la Vie était moins évidente, heureusement on ne glissa pas jusqu’à l’emploi de fleurs en matière synthétique.
Actuellement, le premier mai est surtout consacré à la cueillette du muguet que l’on offre volontiers à la bien-aimée ou que l’on va cueillir avec elle. Ne faut-il pas voir là une autre manifestation de notre sensibilité devant la nature à travers une plante plus fragile et plus évocatrice ?

D’après les archives du Bailliage de Maintenon, aux Archives Départementales d’Eure-et-Loir. — B. 269. Pierre BIZEAU. (Etude publiée d’abord dans La Nature, n°2, 1968, organe du Comité de défense de la nature, dont le siège et à Maintenon, 22 Ave de la Gare)